«Qu'appelez-vous corruption ?» nous ont demandé nos interlocuteurs. «Si accepter un déjeuner c'est de la corruption, alors je suis l'homme le plus corrompu», ajoutaient-ils en souriant. Etrennes, gros cadeaux, repas, voyages à l'étranger, et même les Lieux Saints de l'islam n'ont pas échappé à ce trafic d'influence où des chambres luxueuses sont payées rubis sur l'ongle par des intermédiaires et autres gros entrepreneurs de la région. Tout cela relève dans la wilaya de Mascara des pratiques commerciales et sociales habituelles. Le tout est de savoir quand l'un exagère et quand l'autre le tient, à l'exemple de la corruption institution qui, dans les marchés publics est endémique et sert pour une large part à financer certains hauts responsables et autres cercles vicieux au niveau local. La corruption officielle, qui est reconnue de fait par une certaine autorité, notamment par le premier magistrat du pays, et ce, a l'occasion de ses diverses interventions éclatantes contre le phénomène de la corruption , sans pour autant désappointer les irascibles cols blancs qui excellent dans la déchéance administrative. Les opérations d'addition et de soustraction sont monnaie courante depuis un certain temps dans la wilaya de Mascara, où les affaires de corruption à la mode des ripoux, dont on ne parle plus, où les premières constatations sont éloquentes vu le black-out où l'information est donnée au compte-goutte. Le sujet est tabou, et personne ne voudrait s'exprimer sur la question, par crainte d'être harcelé. Traiter ce thème serait commettre une mauvaise action contre les absolutistes locaux, sans pour autant les désigner. Face à la crise, se développe une économie parallèle souterraine, avec comme moteurs le travail au noir, la fraude, la combine, le piston et la corruption, qui sévissent à grande échelle au niveau de la wilaya et dont il est impossible de délimiter les frontières. C'est cette gangrène qui fait la gravité du phénomène, une gangrène qui menace à terme le libre jeu de la concurrence et même le fonctionnement de la démocratie. La crise rend gourmand, et plus elle durcit, plus il est tentant de donner un coup aux décisions en donnant un pot-de-vin aux décisionnaires, ou dans ce code du savoir-vivre, pensez à donner quelque chose de sa main est devenu un impératif moral. Villa clés en mains, véhicule tout-terrain pour le fiston, lot de terrain, etc. Tels sont les formes et types de cadeaux qui ont cours et qui participent de la mise en place d'une culture de la «tchippa»... Selon une présentation courante au niveau de la wilaya de Mascara, l'habitude de faire des cadeaux passe pour être une des causes les plus importantes de la corruption systématique, qui s'est malheureusement généralisée à tous les niveaux. En apparence, elle semble, en effet, contribuer à la personnalisation des rapports, ce qui rend les gens disponibles pour des pratiques comme le favoritisme quand elle ne les y oblige pas. Toute fonction peut être mise au service d'intérêts privés et servir ainsi la corruption. Cela arrive quand celui qui l'exerce nourrit des intentions corruptrices, il détourne alors la fonction de sa mission première de service public, et ceci est relativement aisé quand, avec le temps, cette mission tombe en cession. Nous avons vu auparavant que dans la wilaya de Mascara, quand une fonction perd sa substance, tout peut arriver. Il y a aussi des lieux privilégiés et des codes où seuls les initiés, ceux qui sont dans les affaires juteuses des marchés et autres contrats publics, d'où la nébuleuse coutume illégitime, d'extorsions de biens. En réalité, le problème est plus fragile, dans le sens où la corruption est un fait social, c'est-à-dire non pas un objet physique mais une démarche achevée par des individus, dans la cadence où elle est déterminée à partir de desseins via ces mêmes individus. On voit mal comment elle peut avoir lieu dans l'espace social, façonner des effets dans la conscience des individus qui veulent, facturent, promeuvent des stratégies avant de passer à l'acte sans que la société ne la révèle par un mot. Ce qui est frappant, c'est le non-sentiment de culpabilité aussi bien chez les corrupteurs que chez les corrompus... C'est notamment vrai où on entend parler que des entrepreneurs très entreprenants sont obligés de verser une ristourne pour obtenir un marché ou un chantier. Du donnant-donnant ! En conséquence, on ne voit de solution à ce fatal phénomène que dans la moralisation, dans l'éducation civique et dans l'adoption des codes d'éthique, seules capables de délivrer les individus du penchant de l'argent facile et de ladrerie, qui ont pris des proportions alarmantes dans la wilaya de Mascara. N'est-il pas vrai, entre dîner au prix du mensonge et jeûner pour prix de la vérité, le choix d'un homme digne est clair. L'explosion de ces pratiques dans la wilaya de Mascara, notamment dans l'administration, et ce, à tous les niveaux sans exception. La gravité de la corruption dans la wilaya de Mascara est de voir des responsables chichement payés par l'Etat, recevoir des cadeaux, des pots-de-vin. Du gros bakchich des 20% irritants réclamés dans les marchés publics au petit pourboire de 200 dinars pour avoir un extrait de naissance, signes de mauvaise gouvernance où l'acteur et le système sont parrainés, des comportements non transparents, notamment sur le manque de concrétisation de la lutte contre la corruption. Enfin, personne n'ose dire que la corruption dans la wilaya de Mascara, n'existe pas. En tout cas, dans cette wilaya, une constatation se dégage : la répression s'exerce davantage envers quiconque ose s'en prendre à la sacralité de l'Etat qu'envers ce qui en détourne les ressources. Trop c'est trop ! A quand une véritable sensibilisation sur la lutte contre la corruption en Algérie ?