La décision d'autoriser l'importation des véhicules d'occasion de moins de trois ans d'âge, après 14 ans d'interdiction, intervient dans une conjoncture politique et économique particulièrement délicate. Une stratégie plutôt politique qu'économique. Le gouvernement contourne ainsi ses difficultés politiques en visant un marché spécifique, celui de l'automobile. Sans prendre en compte les répercussions d'une telle décision sur les variations des taux de changes sur les prix des importations et surtout sur la balance commerciale, déjà mal au point. En négligent cette équation, le gouvernement enfonce la valeur de la monnaie nationale face à la devise qui devrait voltiger à des niveaux records. Une hypothèse qu'a affirmé hier le directeur général de la Bourse d'Alger, Yazid Benmouhoub, lors de son intervention sur les fréquences de la radio nationale, Chaîne III. D'un point de vue macroéconomique, le retour à l'importation des véhicules d'occasion de moins de trois ans d'âge, uniquement de marque allemande serait suicidaire. Ceci favoriserait la spéculation sur les prix des véhicules assemblés localement, d'une part et dévaloriserait davantage le dinar, en pleine déliquescence. A considérer la relation étroite entre les taux de change et le coût des importations sur le marché national des produits qui font objet d'échanges internationaux, l'achat d'un véhicule de marque allemande de moins de trois ans reviendrait doublement et excessivement cher aux ménages algériens, dont la moyenne de dépenses frôle les 50 000 dinar/mois, alors que le salaire minimal est inférieur à 20 000 dinars. Une fois de plus, cette décision encouragerait le retour d'un certain lobbying des véhicules d'occasions importés, qui seront revendus à des prix plus élevés que ceux d'un véhicule neuf. Frayant ainsi un chemin à la spéculation et à la prolifération de l'informel qui gangrène hautement la société algérienne en mal de vivre. Cette mesure prise « naïvement » par le ministère du Commerce devrait casser le monopole de certains « constructeurs automobiles » et les inciterait à revoir leur tarification et l'adapter aux capacités financières du consommateur. Egalement, les contraindre à réduire leur marge bénéficiaire. La relance de cette activité provoquerait la dévaluation du Dinar et augmenterait, inévitablement, les prix et la valeur des importations effectuées dans la devise. Cette dernière ne cesse de s'envoler face au dinar depuis plusieurs mois atteignant des seuils record. Convertir 100 euro coûterait le salaire d'un fonctionnaire, soit 21 000 dinar. La crise économique du pays, soutenue par la chute erratique des cours du pétrole à l'international, a provoqué un gouffre financier dans la Trésorerie de l'Etat. « L'effet prix » a engendré ainsi un impact ambigu dans le pays de l'offre de la monnaie étrangère la plus utilisée lors des échanges commerciaux. Des effets pervers pourraient en découlé de cette nouvelle politique « sociale » du gouvernement. Lors de son intervention, M. Benmihoub a souhaité attirer l'attention du consommateur sur les enjeux et les répercussions d'une telle décision sur l'économie globale du pays. Le non officialisation de cette décision, devrait offrir un temps de réflexion à la question. Indiquant dans le cas contraire que « l'approbation de ce dispositif va tout naturellement amener les personnes intéressées à devoir s'adresser au marché parallèle pour pouvoir acquérir des devises qu'elles déposeraient dans les banques et solder ainsi le prix de l'objet de leur désir ». Raison pour laquelle, il a averti contre le risque de voir les monnaies étrangères grimper par rapport à un dinar. Sachant que la valeur de ce dernier sur le marché informel n'est pas réelle. Pour restituer à la monnaie nationale sa valeur initiale, « il faudrait pour cela que le pays en arrive à sa convertibilité totale, mais pour cela, il devrait au préalable diversifier ses ressources, en plus de celles générées jusqu'alors par les hydrocarbures », a-t-il souligné.