La musique gnaoua, dont le style rituel et initiatique a été perpétué par les descendants d'anciens esclaves venus d'Afrique noire, a été inscrite jeudi à Bogota au patrimoine immatériel de l'Unesco. Initiée par les descendants d'anciens esclaves venus d'Afrique noire, la musique gnaoua a été inscrite au patrimoine immatériel de l'Unesco hier à Bogota C'est la première fois que la réunion annuelle du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel se tient en Amérique latine. Jeudi, à Bogota, il a sacré la musique gnaoua, venue des rites perpétués par les descendants d'anciens esclaves d'Afrique noire. La ville portuaire d'Essaouira, au sud du Maroc, est le sanctuaire de cette musique, pour laquelle le royaume chérifien avait déposé une demande d'inscription sur la liste de l'Unesco. Réhabilitée par le festival d'Essaouira Le festival d'Essaouira – décrit comme le « Woodstock marocain » – a réhabilité cette musique : la confrérie Gnaoua qui associe rituels africains et cultes des saints de l'Islam était avant l'événement peu connue au Maroc. Inscription de la morna, « âme du Cap-Vert » La morna, musique cap-verdienne, dont la chanteuse Cesaria Evora disparue en 2011 fut l'ambassadrice, a également été inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel le 11 décembre 2019, lors de la réunion du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui se tient à Bogota, en Colombie. Le Cap-Vert célèbre «l'inscription de son âme à l'âme de l'humanité» La morna est une pratique musicale et chorégraphique traditionnelle «qui intègre des instruments de musique, des chants, de la poésie et de la danse. Elle peut être chantée ou bien interprétée à l'aide d'instruments seuls, principalement des instruments à cordes. Les paroles, empreintes de poésie, sont parfois improvisées ; elles peuvent être autobiographiques ou aborder des thèmes tels que l'amour, le départ, l'immigration, la séparation, les retrouvailles, la nostalgie, l'océan et la patrie. Autrefois, les paroles pouvaient être écrites en portugais, mais désormais, elles sont surtout rédigées en créole cap-verdien», explique-t-on dans le formulaire de candidature déposé par le Cap-Vert. Les compositeurs Betu, Antero Simas, Nhelas Spencer et Teté Alhinho ; les poètes Jorge Tavares et Silva Roque ; les chanteurs Homero Fonseca, Djila Lobo, Ze Luis, Tej de Saia, Saozinha Fonseca, Titina Rodrigues, Gardenia Benros et Celina Pereira ; les musiciens Augusto Cego, Paulino Vieira, Humbertona, Bau, Moises Evora, Nho Da Cruz, Olimpio Varela et Manel Caloti ; et enfin, les luthiers Aniceto Gomes et Piduca sont les grands noms associés à cette musique, restée intacte depuis un siècle. Une affaire de femmes «Les plus anciennes traces de la morna proviennent de l'île de Boa Vista où elle était essentiellement composée par des femmes, sur un ton satirique. A la fin du dix-neuvième siècle, (le poète) Eugénio Tavares a introduit des thèmes encore présents aujourd'hui». Mindelo, sur l'île de São Vicente, devient l'épicentre de cette musique dans les années 20-30. Elle se popularise, jouée dans les bars et les quartiers marginalisés de la ville. «Sur cette même île, B. Leza, compositeur, et Luis Rendall, musicien, ont introduit le chant à mi-voix, sous l'influence brésilienne, ainsi que les accords de transition qui caractérisent la morna. C'est également à Mindelo qu'a débuté l'internationalisation de la morna grâce aux chanteurs Bana et Cesaria Evora (native de la ville)». La morna appartient à tous les Cap-Verdiens et les accompagne de leur naissance à leur mort. Cependant, les femmes ont toujours joué un rôle primordial dans son évolution, des origines à sa conquête du monde. «Bien que la morna soit transmise par les hommes et les femmes dans le cadre familial, les femmes se démarquent à cet égard en raison de leur fréquent statut de mères monoparentales». «Aujourd'hui, une seule menace pèse véritablement sur la morna : son volet chorégraphique est "actuellement en déclin». Notamment du fait de la disparition des luthiers. Le violon étant l'un des instruments à cordes utilisé pour interpréter ce genre musical dont la guitare s'est imposée comme «l'instrument de prédilection». A l'origine, une guitare à dix cordes qui sera remplacée «au cours du XXe siècle par le cavaquinho (ukulélé), sous l'influence brésilienne». Aujourd'hui, le piano, les percussions et la contrebasse font partie de la famille instrumentale de la morna, l'âme du peuple cap-verdien, comme l'a rappelé à maintes reprises le ministre de la Culture.