Le «Reguem», un métier dont l'activité, imprimée en lettres d'or dans la mémoire collective, est associée à un artisanat mettant en valeur l'ingéniosité algérienne dans la conception et la création de formes et de symboles qu'il tisse et imprime sur les tapis et autres textiles.Vecteur d'un langage esthétique autonome qui a établi la capacité de ses concepteurs à restituer un imaginaire artistique ancien, le tapis algérien constitue un des aspects culturels les plus importants, au regard de son existence séculaire et son statut de réceptacle de tout un héritage culturel ininterrompu à travers les générations. Le travail du «Reguem» se confond avec les fils du tissage authentique algérien, son rôle a émergé en Algérie au cours du Moyen-Age et a continué à travailler tout au long du XXe siècle avant la déclinaison de son statut, en raison de facteurs sociaux, économiques et culturels», explique le chercheur en patrimoine, Boualem Belechehab. Auparavant, il était omniprésent dans les régions, des Hauts -Plateaux, des Aurès et de l'Atlas saharien, poursuit Boualem Belechehab, et son œuvre s'est répandue dans toute la région nord-africaine, occupant ainsi dans la société, une place prépondérante. Le «Reguem» était très sollicité dans les maisons, en vertu de son statut d'artisan qui maitrise cet art ancestral et ses techniques, ainsi que son aptitude à superviser l'opération d'installation du métier à tisser avec les membres de la famille, selon les exigences des croyances et coutumes sociales. Le chercheur en patrimoine continue d'expliquer qu'à cet effet, le «Reguem», consulte chaque membre de la famille pour s'informer sur la nature du travail qui lui est demandé, ses caractéristiques artistiques, ses exigences techniques, et même l'image que le tapis est censé refléter, qu'il s'agisse du statut social ou des significations symboliques qu'il aura à véhiculer. Ancien directeur du musée des Arts et traditions populaires de Médéa, M. Belechehab, décrit ce garant de l'ancestralité, comme une «personnalité légendaire et un artisan ambulant infatigable aux facettes sociales multiples», il est porteur de savoir-faire, chanteur, poète, ou encore de conteur populaire, très proche du goual. Le Reguem était considéré comme un membre à part entière de la famille qui sollicitait ses services, car sa présence rassurait, «il s'asseyait alors avec les petits et les grands, écoutant leurs histoires, et participait parfois à la « résolution des conflits» qui pouvaient survenir entre les familles. Il peut également être considéré comme le «premier personnage» de l'atelier de tissage en voie de réalisation, car tenant compte des normes et des calculs pour déterminer les points de départ du tissage et le début de la formation des motifs du tapis. «Le Reguem» se comportait, précise le chercheur, comme un concepteur artistique contemporain, fort de ses idées et son imaginaire débordant de créativité, utilisant ses outils, ses techniques et ses méthodes de travail dans le tissage. Choisissant la matière première, sa couleur et sa forme, il pouvait assumer le rôle de mentor strict, soucieux de respecter les lignes, leurs courbes et la distance qui les sépare. Malgré le «déclin» que connait ce métier aujourd'hui, selon Belechehab, certaines régions d'Algérie, comme Aflou dans la wilaya de Laghouat, Tébessa et Khenchela, reconnaissent encore la valeur du Reguem et préservent son statut d'artisan aux aptitudes établies à la pratique d'un métier patrimonial qui mérite d'être réhabilité et reconnu. «Le Reguem» est l'un des constituants de l'acte de naissance du tapis, devenu célèbre et incontournable à l'instar de celui de Babar à Khenchela, Tlemcen, Aflou à Laghouat, Ghardaia ou encore Ath Hichem à Tizi-Ouzou.