Comment stabiliser les cours du pétrole dans un contexte géo- économique et géo-stratégique sensible ? Pour y parvenir, les pays membres du groupe informel Opep+, conduits par les deux poids lourds du marché pétrolier, l'Arabie saoudite et la Russie, ont décidé de réduire leurs quotas de production de manière volontaire au mois d'avril dernier, suivis par sept autres pays, surprenant les consommateurs occidentaux qui tentent, en représailles, de détourner l'attention des investisseurs pétroliers de leurs projets dans le secteur, ce qui a provoqué le repli pendant des semaines des cours de l'or noir. Les paris pris par certaines parties peuvent avoir un effet pervers sur le marché pétrolier et provoquer des réactions à la chaîne des pays producteurs membres de l'Opep+. L'Arabie saoudite a réagi à cette situation, mettant en garde les investisseurs contre «les paris sur la poursuite des baisses des prix du pétrole», lors d'un forum organisé avant-hier, à Doha (Qatar). «Je n'ai pas à montrer mes cartes, je ne suis pas un joueur de poker… mais je leur dirais simplement de faire attention», a averti le prince Abdelaziz ben Salmane, ministre saoudien de l'Energie, s'adressant aux investisseurs pétroliers. Cette déclaration a eu un effet immédiat sur les cours du pétrole qui sont montés en flèche à 78 dollars le baril. La déclaration a surpris les analystes financiers et les experts spécialisés dans le domaine de l'énergie qui craignent une nouvelle baisse de la production de pétrole par les pays membres de l'Opep+ qui se sont montrés jusque-là très solidaires et unis face aux pressions externes qui menacent la stabilité du marché de l'or noir, mais aussi celle des pays producteurs. Certains experts redoutent, en effet, une baisse commune supplémentaire des volumes de production de l'Alliance qui a réduit ses extractions volontairement de plus de 3,3 millions de barils par jour, au mois d'avril écoulé, ce qui risque de resserrer davantage l'offre sur le marché et de provoquer dès l'automne prochain une nouvelle crise énergétique sans précédent. L'Europe en pâtirait. La réunion prochaine de l'Opep+ prévue les 3 et 4 juin à Vienne, en Autriche, sera décisive pour toutes les parties. «Le pire est à venir pour les pénuries de pétrole et de gaz en Europe»», a averti de son côté le ministre de l'Energie du Qatar, Saad Al-Kaabi. Ce qui est très probable, selon les analystes de Goldman Sachs qui ont déclaré, dans un rapport publié lundi et repris par de nombreux médias étrangers, «s'attendre à des déficits soutenus (de l'offre de pétrole) à partir de juin, alors que les réductions de production de l'Opep+ se concrétisent pleinement et que la demande continue d'augmenter». Cette situation chaotique serait le résultat d'une politique agressive menée indirectement par les Occidentaux à l'encontre des pays producteurs de pétrole, membres du groupe informel Opep+ dont fait partie la Russie. En représailles aux décisions unilatérales des pays membres de l'Union européenne (EU), des Etats-Unis, du Canada et de l'Australie, qui ont provoqué l'instabilité du marché pétrolier, l'Arabie saoudite, l'Algérie, l'Iran et cinq autres pays membres de l'Opep ont décidé de réduire volontairement leur production journalière de l'or noir. Ces baisses, entrées en vigueur ce mois-ci, devraient également maintenir les marchés pétroliers sous tension et ainsi contrarier les pays consommateurs qui pointent du doigt les Saoudiens qui n'hésitent pas à recadrer les investisseurs et à les mettre en cause dans l'instabilité du marché pétrolier. Le poids lourds du cartel pourrait influencer les autres membres qui cherchent à tirer profit de la crise actuelle pour doper les revenus de leurs pays. La solidarité du groupe Opep+ semble inquiéter les Occidentaux, selon l'analyse de la presse financière. La mise en garde du ministre saoudien de l'Energie est «une menace voilée qui pourrait conduire à une nouvelle réduction de production», selon l'analyste chez PVM Energy, Stephen Brennock, cité par le site spécialisé, leprixdubaril.com. L'Opep+ qui prépare sa prochaine réunion scrute l'évolution du marché pétrolier, du marché de l'énergie et financier américain. Un défaut de paiement, certes peu certain aux Etats-Unis, mais pas exclu, provoquerait le chaos sur les marchés financiers et impacterait la croissance de la demande de carburants mondiale. La fin de la crise énergétique n'est pas pour demain.