A la faveur du conflit militaire à Ghaza du 7 octobre 2023, de la mort du jeune Thomas Perotto à Crépol, le 19 novembre 2023, du vote sur la loi immigration du 26 janvier 2024 qui proposait de porter atteinte au droit du sol à l'Assemblée nationale et surtout de la séquence des élections européennes du 9 juin 2024 puis des législatives anticipées du 30 juin – 7 juillet 2024 où l'on n'a pas hésité à parler de fin de la double nationalité, l'extrême-droite française et la droite réactionnaire ont pu poser de nouveaux jalons pour mettre en œuvre leur projet de société néocoloniale en France. Les motifs en seront l'antisémitisme (notamment via une surveillance permanente des réseaux sociaux et la criminalisation des réactions comme celles qui font suite au génocide israélien à Gaza) ou des stigmatisations sociales fumeuses comme la lutte contre le « séparatisme » ou l'« islamisme d'atmosphère » comme invoqué par Gérald Darmanin à l'encontre de Benzema, à partir d'une notion façonnée par de pseudo intellectuels de l'Establishment comme Gilles Kepel, dignes successeurs des bataillons d'universitaires dans les sciences humaines au service du système de contrôle et de répression colonial, ou encore les futures régressions législatives que prépare l'Establishment à l'encontre de la population immigrée et musulmane. On a eu récemment une démonstration magnifique de ce dilemme avec la critique de l'arrière-petit-fils d'Algérien, le complexé Jordan Bardella, président du Rassemblement National, en direction de l'ex-ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui a évoqué le plafond de verre qui se serait opposé à la carrière de Moussa Darmanin alors qu'elle a été météoritique pour Gérald lors de sa passation de pouvoirs au Ministère de l'Intérieur : Jordan Bardella, manifestement travaillé par ses origines algériennes a, dans la minute, fustigé cette déclaration de « trahison à la France qui lui a tout donné » et indiqué le chemin du parfait béni oui-oui à suivre pour Gérald Darmanin. On peut noter au passage la différence de traitement, ou plutôt le non traitement, de l'appareil politique et médiatique français de la présence de 5000 franco-israéliens au sein de Tsahal dans la campagne génocidaire en cours à Gaza, y compris un de ses porte-paroles, l'inénarrable Olivier Rafowicz. Là, aucune interrogation de la part de la droite française sur la « double allégeance » ou le « manque de loyauté » à la France qui leur a tout donné. La seconde épée de Damoclès pour cet immigré ou ce Français d'origine immigrée bien intégré mais attaché à ses racines sera d'intérioriser très tôt la réalité de la société néocoloniale : comme au bon vieux temps des colonies, il devra comprendre que sa propre intégration et sa propre quiétude dépendront de sa capacité à fermer les yeux et le cœur sur la répression brutale qui va s'abattre sur ses « sœurs » et surtout « frères » « coreligionnaires » ayant eu le malheur d'être nés et de rester enfermés en banlieue ou dans des quartiers « ghettoïsés » , tout comme les Arabes israéliens ont bien appris à le faire avec leurs « frères » de Gaza ou de Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023 pour continuer à vivre normalement dans la société israélienne. La troisième catégorie de Français d'origine immigrée est composée, schématiquement, des habitants des banlieues. Ils seront soumis à une exploitation économique féroce couplée d'une répression continuelle par l'appareil d'Etat (police militarisée, justice raciste, voire armée déchaînée) et à un détricotage de leurs droits par des lois conçues pour favoriser la perte de la nationalité. Au quotidien, on leur imposera une sorte de Code de l'indigénat moderne, fondé sur la surveillance et la coercition, notamment pour ceux qui fréquenteront les mosquées, soumises à un contrôle policier et administratif au nom de la laïcité, contrairement aux autres lieux de culte. b) La répression à l'israélienne dans les banlieues, l'opération « Ronces». Le tournant de ce projet de « reconquête » néocoloniale de la France, aboutissement du long travail amorcé dans les années 80, sera la mise en œuvre de l'opération «Ronces » qui a déjà été évoquée par Eric Zemmour dans son livre Un quinquennat pour rien en 2015 (elle prendra sûrement un autre nom le moment venu). Ce plan est un dispositif permettant de préparer la répression qui sera menée dans les 200, 300 ou 600 banlieues relabellisées « territoires perdus de la République », le nombre de zones fluctuant en proportion du flou du concept, où l'armée française, conseillée par des militaires israéliens rompus aux méthodes de l'armée israélienne à Gaza, « rétablira l'ordre républicain », euphémisme qu'Eric Zemmour a brisé à la télévision en 2015 en parlant de « nouvelle bataille d'Alger ». Mohsen Abdelmoumen