Mercredi passé, la Fédération internationale de football (Fifa) a désigné officiellement les pays organisateurs pour les Coupes du monde 2030 et 2034. Si la Coupe du monde de 2034 sera organisée par un seul pays, l'Arabie saoudite, celle de 2030 se tiendra dans trois pays, l'Espagne, le Portugal et le Maroc. Avec quelques matches qui seront disputés en Amérique du Sud à l'occasion de la célébration du centenaire de la Coupe du monde. Si cette décision prise par la Fifa concernant l'organisation de l'édition de 2030 par trois pays est considérée comme une première dans les annales de cette prestigieuse compétition internationale, il reste que les capacités du Maroc pour être au rendez-vous soulève des interrogations. Selon certains analystes, l'économie marocaine n'est pas assez solide pour avoir les moyens d'organiser une partie d'un événement footballistique d'ampleur comme celui de la Coupe du monde. Le produit intérieur brut (Pib) du Maroc n'est que de 141 milliards de dollars en 2023, alors que l'Espagne affiche 1.581 milliard de dollars et que le Portugal, une petite économie européenne, à un Pib de 287 milliards de dollars. Mais l'entrave principale à l'organisation de cette compétition universelle par Rabat reste son niveau d'endettement extérieur. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale avait évalué l'encours de la dette extérieure de Rabat à 69,2 milliards de dollars en 2023. Un montant qui représente plus de 47% de son produit intérieur brut. La même année le royaume de Mohammed6 avait remboursé à ses créanciers 4,39 milliards de dollars en principale et 1,30 milliards de dollars en paiement d'intérêts. Soit un total de 5,69 milliards de dollars. Pour les analystes, si ce niveau d'endettement et de remboursement a été plus où moins supportable en 2023, ce ne serait plus le cas à partir de 2024. Rabat doit de plus en plus emprunter sur les marchés financiers mondiaux pour pouvoir couvrir les déficits de sa balance des paiements et de son budget. Un déséquilibre qui va en s'aggravant avec l'engagement des dépenses liées à l'organisation de la Coupe du monde. En parallèle, ce pays doit également faire face à aux conséquences économiques d'une sécheresse qui perdure depuis près de six ans. Pour répondre au cahier des charges de la FIFA concernant l'organisation de la Coupe du monde, dans la seule partie infrastructures sportives, modernisation et construction de nouveaux stades, le Maroc doit mobiliser plus de 5 milliards de dollars. Et ce n'est qu'une première estimation. Il est connu que ces coûts peuvent être multipliés par deux d'ici à 2030. Mais il n'y a pas que les stades. Le cahier des charges Fifa exige des infrastructures de transports modernes couvrant les villes qui abritent le déroulement de la compétition. Avant 2030, le royaume doit construire 900 kilomètres de lignes de chemin de fer à grande vitesse reliant Tanger à Agadir. Le coût de ce gigantesque projet devrait dépasser les 10 milliards de dollars. Pour avoir une idée sur le coût d'une ligne de chemin de fer à grande vitesse, il suffirait juste de rappeler que les seuls 189 kilomètres de la ligne Tanger-Kenitra avaient engloutis près de deux milliards de dollars en 2018. Plus de 40% de ce projet a été financé par un crédit de la France. En 2024, Rabat a multiplié les prêts auprès des institutions financières. Rien qu'auprès du Fonds monétaire international (FMI) la dette de Rabat est de 3,9 milliards de dollars. Ce qui représente deux fois est demi la quote part du royaume en droits de tirage spéciaux (DTS) estimés à 894 millions. De son côté, la Banque mondiale détient déjà 20% de la dette publique garantis qui a dépassée les 45 milliards de dollars en 2023. La semaine passée, Rabat s'est adressé à la Banque africaine de développement (BAD) pour un crédit de un milliard de dollars destiné à financer une partie des projets dans les chemins de fer. Ce montant vient s'ajouter aux 4,5 milliards de dollars de dettes contractés auparavant par le Maroc auprès de cette Banque africaine. A l'encours de la dette publique garantis s'ajoute plus de 10 milliards de dollars de dette extérieure à long terme non garantis et 10 autres milliards de dettes à court terme. Selon certain analystes et contrairement à l'Espagne et au Portugal qui disposent d'infrastructures développées, Rabat doit dépenser entre 20 et 30 milliards de dollars pour pouvoir se conformer au cahier des charges de la Fifa afin d'organiser sa partie de la Coupe du monde 2030. Pour réunir ce montant, le royaume doit aller sur les marchés financiers internationaux où les taux d'intérêts sont très élevés avec une moyenne de 6%. L'encours de la dette extérieure du Maroc s'est déjà alourdi de 14 milliards de dollars entre 2019 et 2023. Il est passé de 55,28 milliards de dollars en 2019 à 69,27 milliards de dollars en 2023. Avec le rythme d'emprunt actuel imposé par l'organisation de la Coupe du monde on s'attend à ce que l'encours de la dette extérieure de ce pays dépasserait largement les 100 milliards de dollars en 2030. Cette sombre perspective inquiète une proportion importante de la société marocaine. Le Maroc est soumis à une sécheresse et à un déficit chronique en ressources en eaux ces six dernières années. Les projets de construction de stations de dessalement d'eau de mer tardent à voir le jour en raison des difficultés du royaume de mobiliser des financements extérieurs. Pour la monarchie, la priorité est donnée au prestige, celui de l'organisation de la Coupe du monde qu'à l'amélioration des conditions de vie des Marocains.