La banque d'affaires Goldman Sachs, qui faisait l'admiration de ses pairs pour avoir réussi à rester bénéficiaire en dépit de l'intensification de la crise financière, a fait état mardi de sa première perte trimestrielle, plus lourde qu'attendu par le marché. Le plus prestigieux des établissements de Wall Street, réputé à la fois pour l'efficacité de sa stratégie et pour son rôle de pépinière de responsables politiques de haut vol à Washington, a accusé une perte nette de 2,12 milliards de dollars au quatrième trimestre, clos fin novembre. La perte est inédite pour la banque depuis son introduction en Bourse en 1999. Il y a un an, elle avait dégagé un bénéfice de 3,16 milliards de dollars, alors que nombre de ses pairs alignaient déjà les milliards de dollars de dépréciations pour avoir été trop gourmandes sur les produits adossés à des créances hypothécaires à risques («subprime»). Le marché s'attendait à ce que Goldman Sachs passe dans le rouge au cours de ces trois mois qui ont marqué le paroxysme de la crise financière et économique au niveau mondial, mais pas d'autant : la perte nette représente 4,97 dollars par action, contre -3,50 dollars envisagé par les analystes. Goldman Sachs a dû effectuer d'importantes dépréciations pour faire face à la dégradation continue des marchés financiers, du crédit et de l'immobilier. «Des dépréciations que le groupe n'avait pas effectuées précédemment», fait remarquer Jon Ogg, du site d'analyse 24/7 Wall Street. La banque n'a pas précisé le montant total de ces dépréciations. Mais l'ampleur de son effort s'est traduite par un produit net bancaire - l'équivalent du chiffre d'affaires pour une banque - négatif de 1,58 milliard de dollars. Cela ne suffisait pas pour décourager les investisseurs et l'action Goldman Sachs prenait 11,31% à 73,98 dollars, vers 17h 50 Gmt. «Beaucoup comprennent que Goldman a retiré tout ce qu'elle pouvait de ses comptes afin d'afficher une normalisation en 2009», estime M. Ogg. Le P-dg Lloyd Blankfein a souligné que «les résultats du quatrième trimestre reflètent les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles (le groupe) a ûu opérer, y compris un fort déclin de la valeur de pratiquement tous les types d'actifs». «Si notre performance trimestrielle n'a évidemment pas répondu à nos attentes, Goldman Sachs est restée profitable au cours de l'une des années les plus difficiles de notre profession», a fait valoir le P-dg. Sur l'ensemble de l'exercice, Goldman Sachs est bénéficiaire de 2,32 milliards de dollars, soit 80% de moins que les 11,59 milliards dégagés un an plus tôt. Elément positif souligné par le groupe, son ratio de fonds propres «dur», mesure de la solidité financière d'une banque, a grimpé à un niveau très élevé, à 15,6%. Le groupe a bénéficié de l'injection de 20,75 milliards de dollars de la part du milliardaire Warren Buffet et de l'Etat fédéral à travers son plan d'aide au secteur financier (Tarp). Goldman Sachs a renoncé mi-septembre à son statut de banque d'affaires pour adopter celui de holding bancaire, afin de pouvoir bénéficier de cette aide fédérale. Dans la foulée des résultats, l'agence de notation Moody's a dégradé d'un cran la note de la banque, à «A1», et prévenu que d'autres baisses étaient envisageables, en s'inquiétant de la «vulnérabilité accrue» du groupe. «Nous sommes confiants dans les changements stratégiques que nous avons opérés», a répondu le directeur financier, David Viniar, lors d'une conférence téléphonique. Interrogé sur la manière dont le groupe compte faire grossir sa base de dépôts, qui est actuellement de 130 milliards de dollars, il a répété que Goldman Sachs comptait recourir à un réseau d'établissements partenaires, à la banque en ligne et à «toute acquisition qui ferait sens». M. Viniar a également assuré que Goldman Sachs n'avait pas d'exposition à la gigantesque fraude du gérant de fonds new-yorkais Bernard Madoff. Il a refusé de dévoiler le budget des bonus de fin d'année versés aux associés, se contentant d'indiquer que des compensations sont attribuées «en fonctions des performances» du groupe.