A la tombée de la nuit, le 27 décembre 2008, l'Axe de l'Apocalypse s'est donc ébranlé. Les portes du sacrifice des agneaux se sont ouvertes. La bête, habitée par une rage jubilatoire, progresse dans la nuit. Inhumaine. Une longue théorie de métal et de fracas. Ses naseaux crachent le feu. Ses pattes avancent, avancent toujours, impitoyablement... De monstrueux hannetons de fer, carcasses d'acier, sans cervelle, sans cœur, sans pitié, broient des innocents dans le silence et la nuit. Le ciel est vide, la terre est vide. Personne. La victime est seule. Nue. Livrée aux mâchoires d'acier de la bête. La mort attend. La mort est toujours là, fidèle compagne de la bête. Solitude et désespoir de l'agonisant. La bête avait flairé sa proie, la plus facile, la plus proche, la plus désarmée, la plus abondante. C'est qu'elle avait très faim. Depuis six mois, elle piétinait et ruminait le festin à venir. Les élections sont proches et elle avait hâte de humer le délicieux fumet des entrailles humaines. Chaque élection aiguise sa faim. Le sang attise sa soif et multiplie sa jouissance. Elle rêve d'engloutir d'une seule lampée les membres sanguinolents des enfants palestiniens. Extase et férocité confondus. Peu importe les armes utilisées ; pourvu que l'on broie du palestinien. Des médecins évoquent l'usage «d'un nouveau type d'arme». Des blessés d'un type nouveau – adultes et enfants dont les jambes ne sont plus que des trognons brûlés et sanguinolents – défilent ces derniers jours sous l'œil vigilant des caméras des télévisions arabes. Les chaînes françaises semblent rater le rendez-vous. Dimanche 11 janvier, ce sont Mads Gilbert et Erik Fosse, deux médecins norvégiens, seuls occidentaux présents dans l'hôpital de la ville, qui en ont témoigné. «A l'hôpital Al-Chifa, de Ghaza, nous n'avons pas vu de brûlures au phosphore, ni de blessés par bombes à sous-munitions. Mais nous avons vu des victimes de ce que nous avons toutes les raisons de penser être le nouveau type d'armes, expérimenté par les militaires américains, connu sous l'acronyme DIME – pour Dense Inert Metal Explosive, ont déclaré ces médecins qui interviennent dans la région depuis une vingtaine d'années avec l'organisation non gouvernementale (ONG) norvégienne Norwac, Petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer, elles ont un énorme pouvoir d'explosion, mais qui se dissipe à 10 mètres. «A deux mètres, le corps est coupé en deux ; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d'aiguilles. Nous n'avons pas vu les corps disséqués, mais nous avons vu beaucoup d'amputés. Il y a eu des cas semblables au Liban sud en 2006 et nous en avons vu à Ghaza la même année, durant l'opération israélienne Pluie d'été. Des expériences sur des rats ont montré que ces particules qui restent dans le corps sont cancérigènes», ont-ils expliqué. Les médecins norvégiens, eux, se sont trouvés obligés, ont-ils dit, de témoigner de ce qu'ils ont vu, en l'absence à Ghaza de tout autre représentant du «monde occidental» – médecin ou journaliste : «Se peut-il que cette guerre soit le laboratoire des fabricants de mort ? Se peut-il qu'au XXIe siècle, on puisse enfermer 1,5 million de personnes et en faire tout ce qu'on veut en les appelant terroristes ?»