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Ghaza a besoin de la solidarit? humaine? (III)
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 01 - 2009

Nous arrivons au quartier Zeitoun en bordure de Ghaza-Ville, au sud-est de la ville. 110 personnes de la famille Samouni et de deux autres familles ont été massacrées dans des conditions similaires à ce que nous avons vu une heure plus tôt à Jabaliya-est. Ici tout est rasé. Des milliers de poulets jonchent le sol. Il y avait ici une batterie d'élevage de poulets. Il y a des plumes blanches partout. Et une épouvantable odeur de charogne. Nous ne voulons pas déranger les quelques survivants qui se regroupent autour d'un camion de l'association humanitaire LIFE qui leur apporte notamment un peu d'huile et de farine. Nous ne nous attardons pas sur les conditions dans lesquelles ces familles ont été massacrées. Pierre Barbancey nous dit, en effet, qu'il a écrit à ce sujet un article paru dans l'Humanité-Dimanche du jeudi 22 janvier. Libération évoquera elle aussi ce crime de guerre dans son édition du vendredi 23 janvier. Nous retournons sur Ghaza-Ville. Nous passons devant le dépôt alimentaire de l'UNRWA qui a été bombardé et a entièrement brûlé. Sur les murs de toutes les rues dans lesquelles nous passons on peut lire des slogans peints à la bombe. On y trouve aussi des adresses de sites Internet : Ashala.com, Snawat.net, Sayiz.com, 2rwa7.com, 7coma.com. Nous longeons le bord de mer. L'ancien QG de Yasser Arafat, lorsque celui-ci est revenu à Ghaza après les accords d'Oslo est totalement ravagé par les bombes. Tout comme le port de pêche de Ghaza-Ville. Le long de la route qui nous emmène au camp de réfugiés de Deir El-Balah, célèbre pour ses palmiers dattiers qui donnent des dattes succulentes. Les dattiers ont été ravagés. Tout est rasé. Comme ailleurs la terre agricole est retournée par les passages de chars. En mer, nous constatons la présence de petits bateaux israéliens postés à mille mètres de la côte. Ils sont espacés de mille mètres environ les uns des autres. Un véritable blocus naval. Les pécheurs n'osent pas mettre leurs barques à l'eau. Dès qu'ils le font ils essuient des tirs de sommation puis des tirs ciblés. Certains en sont morts. La veille cinq pêcheurs ont ainsi été blessés.
Nous arrivons à Deir El-Balah. Il est 12 heures. Aussitôt les gens nous rejoignent. Au bout d'un instant, un vieux monsieur dit à Meriem Derkaoui : «Toi, t'es avec nous pas parce que tu es Française mais parce que tu es Algérienne. Tu vois l'autre, en montrant une autre personne de la délégation, il n'est pas comme toi.» Nous lui expliquons que cela n'a rien à voir. Et que nous sommes là en solidarité avec les Palestiniens. Il ne nous croit pas sur le moment. A ce moment là, Patrick Le Hyaric sort une affiche que l'Humanité a éditée reproduisant la une du journal titrant «C'est la Palestine qu'il faut sauver.». A la vue de cette affiche, le vieil homme était bouleversé. «Alors c'est vrai, en France, il y a des gens avec nous ? ». Oui nous lui répondons. «Et si Nicolas Sarkozy a été élu ce n'est pas grâce à nous», lui réponds Patrick Le Hyaric. C'est alors que le vieil homme nous dit : «Sarkozy, il n'est pas clair avec nous, il n'est pas bon pour nous.»
A 12h30, nous arrivons au camp de Khan Younès, plus au sud. C'est l'heure de la prière du vendredi. A la mosquée Al Mojamma Al Islami, surmontée d'un immense dôme vert, près de 600 fidèles sont venus écouter le prêche. Celui-ci est énergique. On l'entend à travers les hauts parleurs qui se trouvent à l'extérieur. Voici quelques passages qui nous ont été traduits. «Nous le Hamas, on est les plus forts. On est nombreux. De plus en plus nombreux. On aura la victoire. Ceux qui ont été des spectateurs comme Abbas ne sont que des beaux parleurs. Nous, on a envoyé des Kassam. Nous vaincrons. Nous vengerons ce qu'ils ont fait dans nos maisons, à nos femmes, à nos enfants. Ils utilisent le phosphore contre nous. Cette situation est due à Abbas. C'est à cause de lui. Si on veut libérer Ghaza, il faut libérer Ramallah. La foi est notre force et notre persévérance. Et avec l'aide de Dieu nous allons vaincre. Nous sommes déjà victorieux de tout ce qui s'est passé ces derniers jours.»
Alors que nous nous trouvons à l'extérieur de la mosquée, à plus d'une centaine de mètres, dans le même temps Jawad El-Tibi, membre du Fatah, ancien ministre de la Santé de l'Autorité palestinienne, nous dit : «Ici aussi, à Khan Younès, il y a eu des conflits. Moins qu'ailleurs cependant.»
«Le camp de Khan Younès compte, en effet, 23 000 personnes. La densité de population est aussi forte qu'à Ghaza-Ville, celle où l'on compte la plus forte densité au monde. La moindre frappe aurait était mortelle pour beaucoup d'habitants. Nous n'avons pas les moyens de soigner les blessures faites par les bombes au phosphore. Pourquoi ont-ils donc détruits des maisons vides ? Nous ne connaissons pas toutes les armes qui ont été utilisées. Par exemple, nous n'avons toujours pas compris pourquoi quand une bombe arrivait sur un point ciblé, c'est en fait tout ce qu'il y a autour qui est détruit. Nous ne connaissons pas ces armes. Nous manquons même de mots pour dire ce que nous avons vu. Nous ne savons pas encore l'expliquer. Par ailleurs, nous savons que beaucoup de gens sont encore sous les décombres. Avec la très grande complexité de la situation où les destructions se superposent. Comme s'il y avait eu en même temps un tsunami, un violent tremblement de terre, et une guerre. C'est très difficile de faire face à cela.»
13h30 : retour à Rafah. Dans la campagne nous constatons l'un des aspects de l'intervention terrestre israélienne. Les troupes et les chars ne sont pas entrés par les axes importants de circulation, contrairement à ce qui s'était produit au sud Liban en 2006. Les Israéliens avaient le souvenir d'avoir été attendus par de nombreux pièges le long de ces axes. Cette fois-ci, la pénétration s'est faite à partir des zones rurales. Du coup, tous les champs sont dévastés. A El Foukhari, quartier rural de Khan Younès, le maire nous montre les champs de blé écrasés, tout comme les vignes, les serres, les oliviers. Une station d'épuration d'eau potable a été détruite par des chars. Elle alimentait toute la région. Il en va de même pour une centrale à béton aux silos complètement éventrés. Dans la maison d'à côté, des soldats étaient postés là pour veiller sur cette station détruite. Nous entrons dans la maison. Sur les murs, à côté des fenêtres, il y avait des petits dessins avec des commentaires écrits en hébreu. Ces petits plans indiquaient à chaque soldat de l'armée israélienne présent les cibles potentielles et les angles de tir. Sur un meuble renversé par terre, nous trouvons un étui de fibre de verre cassé en deux qui appartenait à un lance-roquette. Les instructions de tir sont encore collées sur le tube. Cette intervention donne le sentiment que les objectifs militaires étaient faibles. Il s'agissait plutôt d'une véritable punition collective. Et tout ce qui gênait sur le passage a été détruit.
15h30 : nous saluons nos amis devant l'entrée du terminal de Rafah. Nous aurions eu besoin de plusieurs jours supplémentaires pour procéder à des constats plus importants. Mais les contraintes du passage de la frontière s'imposent à nous. Nous savons que la situation est très tendue et que le terminal peut être fermé à n'importe quel instant. Nous profitons donc de son ouverture momentanée pour sortir de la bande de Ghaza. Avec la peine de quitter nos amis qui ont besoin de tout mais avec la responsabilité de porter à la connaissance du plus grand nombre le témoignage de ce que nous avons vu et entendu.
Les Palestiniens ont, évidemment, besoin de tous les gestes de solidarité ainsi que de la compassion humanitaire. L'AJPF annonce déjà qu'une initiative importante sera prise dans ce sens dans les jours qui viennent. Le Secours populaire français annonce aussi un «Avion pour Ghaza». Mais malgré la misère qui alourdit terriblement leurs conditions de vie, les Palestiniens ont avant tout besoin d'une solution politique, pour construire eux-mêmes leur propre Etat et leur propre avenir.


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