On aimait tellement son émission que le générique musical qui l'annonçait, nous était devenu familier. Dès qu'il entrait en scène en bonne compagnie, il commençait avec des mots qui apprenaient bien des choses sur la vie, la magie du verbe surtout avec la voix envoûtante de Benhanafi qu'on ne pas oublier tant il a été longtemps adulé, admiré, écoute attentivement. Ce qu'il disait portait sur les bonnes et mauvaises actions, les devoirs de chacun vis-à-vis des autres, surtout des parents ou des pauvres. Une autre qualité maîtresse de Benhanafi, c'était de parler sans bégayer. Il avait la réponse à tout ou était bien préparé. Il s'exprimait à la manière d'un aède s'adressant à un public réceptif et dans une langue recherchée. Chacune de ses interventions avait une lourde charge sémantique. On se souvient bien de cette expression récurrente dans ses émissions Ulahed aminizuzufen elhif qu'on peut traduire par : «Il n'y a pas de plus admirable que celui qui vient en aide aux autres» ou qui compatit à la souffrance des autres». Chaque mot ancien qu'il actualise est expliqué en contexte. Un homme humble et presque effacé, bien que féru de culture populaire Dommage qu'il ait eu dans sa carrière cette interruption de 8 années. C'est 8 années gâchées dont on ne connaît les raisons exactes, au terme desquelles il a été rappelé par la radio, Chaîne II, pour l'émission : Ghefyiri n lkanun, avec des petits élèves : Tafat, Tiziri, Tammila – symbole d'une école disparue ! On avait fini par se rendre compte qu'il a la plus belle voix radiophonique et une mémoire prodigieuse sans laquelle il n'aurait jamais pu emmagasiner autant de connaissances en culture et langue amazigh. Benhanafi a aussi le don de bien dire ce qu'il dit et d'animer une émission en improvisant admirablement tant il avait la maîtrise de la langue. L'auteur nous dit que Benhanafi dont le vrai nom est Aït Tahar Mohammed est né en 1927 dans la région de Larbaâ des Ouacifs et a été le plus illustre animateur de la radio kabyle. En réalité, il a animé plusieurs émissions, à partir des premières années soixante, au lendemain de l'indépendance. Il a dirigé Leqlam ajdid, puis ce fut Tibhirin dyiggigen dwaman isemmaden. Ensuite, dans l'ordre chronologique, indiqué par l'auteur de ce livre : lcennayen uzeka. Parmi ces chanteurs en herbe, beaucoup sont devenus des célébrités comme Habib Mouloud, Nouara, Malika Domrane, Matoub, Djamel Frahi, Aït Djoudi Saïd, Atmani, Aït Menguellet, Malha, Chabha. Benhanafi a composé des paroles pour Idir, Kac Abdjaoui, Chabha, Ourida, El Djida Essghira, Zahia, Cherif Kheddam, Benslimane Mohamed. N'oublions pas d'ajouter que Benhanafi dans ses années de jeunesse marchand de tissu à Tiaret. Et, au lendemain du déclenchement de la Révolution en 1954, il avait été désigné par l'ALN comme commissaire de la zone du secteur 2, dans la région de Tiaret. Un art de versifier de haute tenue Une voix agréable à entendre et qui fait penser aux sages des temps anciens, alliée à l'art de bien parler dans un style poétique a fait de Benhanafi une référence dans la langue et la culture amazighes. On peut dire que c'est un «amousnaw» au sens que donne Mammeri à cette qualité rare. En voici un exemple de poème d'une beauté indiscutable par sa forme et son contenu. Il est de tout les temps et de ce fait s'apparente beaucoup à la maxime : Medden Akk hemmlen lewqam/I Kecc dac'is-d-tessuksed/tettwalid tafat d ttlam/Lint wallen – ik tedreghled/asurd is ara terred axxam/Keec di lehram it – tetta Kked – tout le monde aime être sur la bonne voie/Quant à toi, qu'as-tu à lui reprocher/Tu vois la lumière et l'obscurité/Tes yeux sont ouverts mais tu es aveugle/Les sous pour bâtir une maison /Toi, tu les jettes en les gaspillant.» Boumediene Abed Ourida Sider, Benhanafi, la Voix de la radio kabyle. Edition Le Savoir,