Le prix du caoutchouc naturel a gagné 60 % dans la dernière année et a quadruplé depuis décembre 2008, dépassant le record de 1952. Acheteurs de 70 % de la production, les manufacturiers de pneus écopent. En dépit d'une augmentation des ventes de 13 %, à près de 5 milliards US, Goodyear a enregistré une perte de 20 millions US au troisième trimestre, comparativement à des bénéfices de 72 millions US l'année précédente. Le fabricant américain a déjà annoncé le mois dernier qu'une hausse des prix de détail était dans les cartons. Continental compte aussi augmenter les prix de 5 % au début de 2011, rapporte le Financial Times. Les fabricants de pneus utilisent des mélanges de caoutchouc synthétique et naturel. Mais ils ne peuvent pas se passer du second, plus durable et offrant une meilleure adhérence. Or, l'offre ne suffit pas à la demande. Aidée par l'appétit grandissant de la Chine, la demande a certes rebondi après la crise. Mais la croissance de la demande n'est pas à blâmer, croit Greg Jagt, vice-président aux marchés de l'importateur et fournisseur torontois Astlett Rubber. «L'offre est un peu juste, note M. Jagt dans une entrevue à La Presse Affaires. Mais avec la spéculation, avec la présence d'investisseurs qui n'étaient pas dans les ressources auparavant, ce petit manque du côté de l'offre se transforme en très forte hausse de prix. On peut certainement s'attendre à une augmentation des prix de détail.» Au début de l'année ? Le fabricant BF Goodrich Canada, notamment, a haussé ses prix en avril dernier, confirme la responsable des communications, Nadine Lussier. «On suit le marché de près, parce que cela a une incidence directe sur le prix des pneus», dit-elle. Il n'y aura pas de hausse avant le 15 décembre, date butoir pour équiper sa voiture de pneus d'hiver. «Pour le début de l'année prochaine, ça reste à voir», ajoute Mme Lussier. Les consommateurs semblent s'en tirer assez bien pour l'instant. «L'arrivée des pneus asiatiques sur le marché a contribué à retenir les prix», souligne François Plamondon, directeur des achats chez le détaillant Pneus Chartrand. Ces pneus moins chers, parfois vendus sous une marque privée, ont pu empêcher les grands manufacturiers d'augmenter les prix de façon importante. Cela ne veut pas dire qu'il faut exclure des hausses. «On subit les répercussions une saison en retard, soutient M. Plamondon. Quand les pneus quatre saisons vont arriver au début de l'année, c'est là qu'on va voir s'il y a eu une augmentation inhabituelle.» «C'est rare que les manufacturiers passent les augmentations à l'automne», remarque Pierre Beauregard, directeur général adjoint de Robert Bernard Pneus et mécanique. «C'est plus souvent en début d'année», ajoute-t-il, en précisant qu'il n'avait aucune indication formelle qu'une telle hausse se concrétiserait. Pendant que les détaillants attendent de savoir s'ils devront vendre leurs produits plus chers, le déséquilibre entre l'offre et la demande risque de s'aggraver au quatrième trimestre, croit l'Association des pays producteurs de caoutchouc naturel. Les fortes pluies, anormales pour la saison, continuent d'affecter les plus importants acteurs de l'industrie. La production globale de caoutchouc naturel ne devrait pas dépasser les 9,4 millions de tonnes en 2010, tandis que l'Association s'attend à une demande de 10,3 millions de tonnes.