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Ces noms qui irritent l'US Navy
Lettre de New York
Publié dans La Nouvelle République le 10 - 01 - 2011

Ce fut intéressant ce qu'il avançait concernant l'Algérie, même si je savais que, depuis le 11 septembre 2001, une flopée d'animateurs des espaces intello-stellaires s'investissent démesurément dans la bourse de l'histoire, fabriquant ici et là des montages et des liens pour pondre fallacieusement une explication au terrorisme actuel. Mais l'hérésie, celle dont on m'a parlé me paraissait de trop. Elle se passe presque régulièrement à l'Académie de l'US Navy d'Annapolis, capitale de l'Etat de Maryland, soit 47 km à l'est de Washington. Annapolis, pour ceux qui ne la connaissent pas, est une ville historique pour les Américains car elle fut choisie en 1783 et en 1784 comme capitale provisoire de ce qu'allaient devenir les Etats-Unis.
Les collégiens qui viennent à la prestigieuse Académie, une des trois grandes écoles militaires du pays, dans le cadre du séminaire d'été (Summur Seminar), découvrent ce qu'on dénomme le monument de Tripoli (Tripoli Monument). En le voyant, ils se montrent donc curieux de savoir à quoi rime cette création et que veut dire Tripoli.
L'officier chargé de l'information s'affiche très catégorique. Il s'agit de la première guerre que livrèrent les Etats-Unis aux «nations terroristes» et aussi du premier affrontement des Américains à l'extérieur de leur territoire. Pour meubler son argumentaire, il lui faut indiquer aux visiteurs le foyer géographique de ce terrorisme et le monument de Tripoli est là pour la justification. En somme, l'œuvre se rapporte à la ville de Tripoli, capitale de l'actuelle Libye, là où s'est déroulée ce que les Etats-Unis appellent la première guerre contre les Etats barbaresques (Barbarian States) en 1801-1805 . Un petit cours d'histoire et les collégiens s'ameutent pour savoir où sont les Etats barbaresques, terroristes selon l'officier. La réponse est vite donnée : Algiers, Tunis and Tripoli. Le sultan de Fès (Maroc) est souvent épargné. En vérité, cette façon de désigner nos pays, surtout l'Algérie, comme foyers raciaux et culturels du terrorisme, obéit à une dynamique manœuvrière post-11 septembre, dont les auteurs sont quelques éditorialistes de la grande presse washingtonienne et new-yorkaise, toujours de bonne intelligence avec le cercle de certains haut gradés.
Aujourd'hui, dans pratiquement tous les centres de formation militaire, l'officier ou le soldat stagiaire se trouve devant une définition très simplifiée de l'ennemi qu'il va combattre. Cette définition consiste à dire que les Etats-Unis sont en guerre contre le terrorisme, répète-t-on souvent. Cependant, ladite recette demeure insuffisante comme notion pour qu'elle puisse se greffer à l'esprit sans qu'il y est d'adresse et de visage. Or, à l'Académie West Point, la meilleure au monde, située à 50 km au nord de New York, l'instructeur de l'histoire semble trouver encore la clarification. Il ne lésine pas sur les contre-vérités pour trouver les adresses, les noms et les cultures en affirmant candidement devant ses élèves que les Etats-Unis sont en train de faire la guerre au terrorisme comme ils l'ont fait il y a deux ans contre le royaume d 'Alger et Tripoli (Algiers and Tripoli Kingdoms), régence et beylicat en vraie définition. Pour l'instructeur, l'hymne de la marine américaine est en soi le bon exemple :
From the Halls of Montezuma to the Shores of Tripoli .
We fight our country's battles in the air, on land and sea.
First to fight for right and freedom, and to keep our honor clean.
We are proud to claim the title of United States Marine.
Les remparts de Montezuma jusqu'aux rives de Tripoli.
Pour Montezuma, il s'agit de la guerre américano-mexicaine de 1847 mais pour les rives de Tripoli cela évoque l'attaque contre la ville de Darna en 1804 (Darna est à 250 km à l'est de Benghazi) .
Raïs Hamidou
ou Zbigniew Brezinski
Au mois de décembre de l'année 1979, l'Union soviétique casse les portes et entre d'une manière brutale en Afghanistan. Les conséquences de cette invasion demeurent à ce jour plus désastreuses que fâcheuses.
Accourant à la hâte, le couple américaino-saoudien traça la feuille de route en planifiant, dès lors, la solution pour la libération de la terre musulmane de l'emprise communiste. La principale urgence est de trouver un laboratoire d'appui puis le chimiste qui y opérera. Or le laboratoire est vite repéré par les Saoudiens : il s'agit de leur vassal, le Pakistan, et de sa dictature. Une fois le tandem accompli, le choix du chimiste parmi le personnel politique de la Maison-Blanche s'acheva. Le nom devint alors connu de tous : il s'appelle Brezinski, est né en Pologne en 1938, est conseiller du président Carter pour la sécurité nationale. C'est le stratège qui va coordonner l'exécution de la feuille de route. Pour défendre l'islam, l'Arabie saoudite cria en premier en lançant au niveau du monde arabe l'opération «Fanatique incorporable».
Quant à Brezinski, il cria en second en préparant les plans pour défendre lui aussi l'islam, une religion respectueuse des valeurs américaines. C'est pour cela que les adultes fascistes, encadrés par Ben Laden, étaient officiellement qualifiés de combattants de la liberté au moment où les écoles coraniques recevaient d'innocents petits enfants pour marquer dans les cerveaux le K comme Kalachnikov, le S comme sang, le M comme mécréant et le I comme islam. Un entreprise macabre exécutée sur une assise tribalo- archaïque afghane, et seul Dieu sait pour combien de temps cela va encore durer. Mais ce qui est encore enrageant, c'est cette hypocrisie de quelques ténors de la classe politique américaine, pourtant ex-actionnaires dans la Bourse afghane, qui retournent leur veste sans la moindre décence, comme si l'islam de 1979, qui était respectueux des valeurs américaines, devint en 2010, comme les musulmans qui s'y rattachent, le plus grand danger qu'encourent ces même valeurs.
Mais on ne pouvait malheureusement faire face à une série de déformations des concepts et des comparaisons contrefaites dans une sphère un peu plus haute. Malheureusement, dans une ère où ce qui apparaît comme le drapeau du bateau commandé par Raïs Hamidou en 1815 est montré dans une vieille dialectique américaine comme butin des premières guerres contre le terrorisme. Raïs Hamidou, fils de la montagne de Beni Imazghana (pas loin des Issers et Boumerdès), est un nom donné aujourd'hui à une corvette de la marine algérienne. Le personnage irrite les spécialistes américains des questions navales, ceux d'ailleurs qui parlent souvent de la piraterie algérienne du XVIIe siècle.
On conserve son étendard à l'US Navy Academy d'Annapolis pour renvoyer le curieux aux archives de l'attaque américaine des 15 et 19 Juin 1815 à Capo d'El Gata (Espagne), à 130 km au nord-ouest de cap Falcon (Oran) et Capo de Galos, près de Cartagena (Espagne). Ce mois-là, dix navires américains commandés par le capitaine Stephan Decatur et avec la complicité du sultan du Maroc, détruisirent Le Meshuda et L'Estedio, bateaux pris auparavant au prince du Brésil. Les forces n'étaient pas égales pour parler de victoire, et Raïs Hamidou mourut dans cette bataille. Le monument de Tripoli, qui fut réalisé bien avant, en 1806 juste après la guerre de Tripoli et de Darna, à Livourne (Italie) avant d'être transporté aux Etats-Unis, est en réalité une lettre chrétienne au Dey d'Alger. Béni par le pape Pie VII comme par un révérend américain avant son envoi vers Washington, le monument est une réponse aux déclarations algériennes voulant dire qu'il n'y aura jamais d'hégémonie de la croix au niveau de la Méditerranée. Pour information, la marine américaine n'a été créée en 1798 que pour répondre à la menace des Algériens, Algerine Threat (le mot algerine n'a pas été encore remplacé par le mot algerian). Georges Washington, le premier président des Etats-Unis, hésita longuement avant de signer en 1794 l'acte de lancement de la construction de huit navires de guerre.
Il craignait spécialement les Algériens surtout lorsqu'il a trouvé dans certains annales des informations sur les assauts de Mourade Raïs contre l'Angleterre, l'Irlande et la Suède et ses deux audacieuses attaques contre l'Islande et la capture de deux pêcheurs de Terre Neuve au Canada. Cela se passait vers 1627 et 1631. En 1787, dans la capitale des Etats-Unis, qui était Philadelphie, les rumeurs battaient leur plein. Une peur terrible qui laissait dire que les Algériens s'approchaient des côtes américaines frappa les habitants. Ils viennent coloniser les Etats-Unis (ils étaient 13 Etats à ce moment) Histoire d'un autre volet qu'il faut ouvrir.


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