Avec le lancement des travaux du tramway, l'un des plus importants projets structurants de la ville d'Oran, les automobilistes oranais ont déjà un aperçu de ce que sera leur quotidien, les deux prochaines années, délai théorique pour mener à bien le chantier. Ce qu'ils redoutent le plus c'est l'approche de l'été et l'afflux des touristes, une préoccupation partagée par l'administration locale qui a voulu prendre les devants en mettant en place un nouveau plan de circulation censé réguler les nouveaux itinéraires des particuliers et des transports en commun. La ville, en particulier, avec une capacité de 500.000 voitures environ, accueille chaque jour près de deux millions de véhicules, alors que son parking n'est disponible que pour un million de véhicules. Un déséquilibre qui entraîne des conséquences insoupçonnées sur la circulation automobile et sur l'inefficacité, somme toute relative, du réseau routier. Un réseau qu'on dit saturé à cause du facteur économique et des crédits à l'auto consentis par les banques qui ont fait que l'Algérien, en général, et l'Oranais en particulier, dispose de son propre véhicule. Oran-ville, avec ses anciennes routes, ne peut guère répondre au nombre de véhicules qui ne cesse d'augmenter, de jour en jour, et certains conducteurs arrivent même à regretter l'ancien temps des embouteillages pendant les seules heures de pointe. « Aujourd'hui, la ville vit en perpétuelle heure de pointe et il est devenu pratiquement impossible de se relaxer à son volant », affirmera Kader, enseignant dans un lycée de la périphérie. Les chauffeurs de taxis, véritables baromètres de la circulation, sont plus catégoriques dans leurs prises de décisions et il n'est pas rare qu'ils refusent d'embarquer un client en direction de la rue de Mostaganem, du boulevard Adda Benaouda ou du centre-ville. « Laisser sa voiture oui, mais pour prendre quel autre moyen de transport ? », s'interroge Nora, étudiante en troisième année commerciale. Le bus est devenu, avec le temps et la déliquescence qui caractérise le secteur, un véritable parcours du combattant pour ses usagers. Pratiquement la majorité des lignes urbaines et suburbaines ne dérogent pas à la règle du profit, et la première victime, après le code de la route, est le citoyen qui se retrouve otage de certains transporteurs peu scrupuleux. « On a l'impression qu'ils font ce qu'ils veulent et gare à celui qui ose se plaindre », fera remarquer Madjid. Entre le non-respect des arrêts réglementaires, l'état des bus, le comportement de certains receveurs et chauffeurs, le changement des itinéraires, le citoyen se sent comme lâché par la direction de tutelle qui doit, en principe, jouer le rôle de garde-fou et de régulateur de la circulation dans la wilaya. Bus à... la criée ! Même les lignes interwilayas ne sont pas épargnées par le pourrissement. Ainsi, et de l'avis des professionnels du secteur, dans une grande ville comme Oran, le transport, qu'il soit urbain, suburbain ou interwilayas, doit inévitablement passer par une bonne organisation des points de stationnement et de ralliement entre autres, afin de répondre de la meilleure manière possible aux besoins exprimés par la population. Or, le constat fait sur le terrain est tout autre, en ce sens que les concessionnaires et gérants des gares routières oranaises affirment qu'ils n'ont pas souvent les coudées franches pour contraindre certains opérateurs du secteur du Transport à jouer le jeu. En effet, enfreignant les décisions de la commission de circulation de la wilaya d'Oran, qui a la prérogative d'affecter tel ou tel transporteur dans telle ou telle gare routière, certains opérateurs, notamment ceux desservant les grandes lignes, font souvent fi de leur affectation et préfèrent traiter les voyageurs en extra-muros, avec tout ce que cela peut engendrer comme malaise, aussi bien pour les usagers que pour leurs concurrents. Un autre « phénomène » caractérise le secteur et semble affecter sérieusement sa bonne marche. Au-delà du « clandestin » particulier qui stationne dans certains endroits de la ville, connus et reconnus, attendant d'embarquer une clientèle en mal de transport, il existe une autre catégorie de transporteurs clandestins qui ont opté carrément pour le gros. Ainsi, le comportement de certains transporteurs, desservant illégalement certaines destinations de la périphérie, est mis à l'index. Pendant les heures de pointe, les transporteurs, dont il est question, font appliquer leur loi. Au départ, le matin, les receveurs annoncent à la criée «Haï Es-Sabah terminus», les usagers qui doivent se rendre à Oran sont obligés de prendre ces moyens de transport dans l'espoir de trouver une autre navette à partir de Haï Es-Sabah pour pouvoir être à l'heure à leurs occupations. Mais, à la grande surprise, ces passagers lorsqu'ils arrivent à Haï Es-Sabah et descendent de ces minibus, les receveurs de ces mêmes véhicules commencent à annoncer à la criée «Dar El-Beïda», alors qu'au départ de leur localité, le terminus était prévu à Haï Es-Sabah. Ce qui veut clairement dire qu'il s'agit d'un voyage en deux étapes effectué par un même véhicule de transport sur une distance ne dépassant guère 20 km. Le soir, à partir de Dar El-Beïda, ces transporteurs changent de méthodes, ils raccourcissent le plus possible le trajet. Il y a ceux qui annoncent à la criée «Haï Es-Sabah» et ceux qui annoncent d'autres destinations. Cette autre astuce permet aux transporteurs en question d'écourter le trajet pour retourner rapidement à Dar El-Beïda, afin de refaire le « plein » de passagers... En attendant une réelle prise en charge du secteur et des problèmes que rencontrent les citoyens, la situation ne cesse de s'aggraver.