Certains stratèges l'ont déjà dit : il n'y a pas de victoire possible des Occidentaux en Afghanistan. Les talibans ne cherchent pas une victoire militaire impossible contre l'armada occidentale, leur but est de leur infliger le maximum de pertes. Et de susciter des débats au sein des opinions des pays concernés sur les raisons et la légitimité de l'engagement. Il s'agit d'un exemple typique de guerre asymétrique. Barack Obama a développé un discours affirmant que la guerre contre l'Irak était inutile et qu'elle a entraîné une diversion et une dispersion des moyens, alors que la guerre «nécessaire» est en Afghanistan. Il a fixé le programme de sa guerre : «déranger, démanteler et défaire Al-Qaïda au Pakistan et en Afghanistan et les empêcher durablement de revenir dans les deux pays...». Ce discours s'est traduit par un accroissement de l'engagement militaire américain. Le problème est qu'Al-Qaïda, si fortement agitée par l'administration néoconservatrice, n'est pas le principal acteur dans cette poudrière. Les talibans ne sont pas les supplétifs d'Al-Qaïda, ils sont les acteurs les plus importants du conflit. L'accent a beau être mis sur Al-Qaïda, la guérilla reste principalement le fait des talibans. Et chaque jour qui passe apporte la démonstration de l'impossibilité d'avoir une victoire militaire sur eux. Les responsables américains l'admettent parfois à demi-mot en évoquant l'idée d'un dialogue avec les «talibans modérés». L'idée est belle, sauf que ces supposés modérés sont bien introuvables, alors que sur le terrain, la situation se détériore au fil des jours. Les forces occidentales, sous la conduite des Etats-Unis, essuient des pertes croissantes sans engranger de victoire significative. Les Etats-Unis ont contraint Islamabad à mettre fin à l'accord conclu avec ses talibans et à engager l'armée contre eux. Cela ne donne pas plus de «confort» aux troupes occidentales engagées en territoire afghan. Sans remonter aux déroutes anglaises du XIXe siècle, on peut se référer à l'expérience désastreuse de l'Armée rouge contrainte de plier bagage sans gloire en 1979. Pourtant, les Soviétiques avaient engagé des moyens considérables pour réduire la résistance. Les stratèges américains ont trop vite mis la défaite des armées de l'ex-URSS sur le compte de leur assistance matérielle, notamment les fameux missiles Stinger, et le soutien des services pakistanais. Les Afghans sont un peuple guerrier et la localisation du pays aux confins de plusieurs empires explique largement une tradition de lutte, creuset d'un nationalisme ombrageux. Les Afghans n'ont jamais accepté la domination étrangère et ont fait payer un prix élevé à ceux qui pensaient les soumettre. A moins d'envoyer une force d'occupation de plusieurs centaines de milliers d'hommes, il est difficile d'envisager une victoire militaire. Or, les armées occidentales, tributaires de leurs opinions publiques, répugnent à assumer des pertes humaines. La légitimité discutable mais admise de l'intervention américaine en Afghanistan, suite aux attentats du 11 septembre 2001, s'est étiolée au fil des bavures et des dommages collatéraux. Une mission de députés britanniques a récemment constaté la dégradation de l'image de l'armée américaine et de l'OTAN. Leur rapport souligne -avec un art consommé de la litote - «l'important manque de sensibilité culturelle» de certains soldats de la coalition à l'origine de dégâts qui seront difficiles à réparer. Il ne reste plus à ces députés britanniques qu'à reconnaître que la présence des troupes occidentales n'est pas la solution, mais une partie importante du problème.