Premiers désagréments pour les parents d'élèves pour un premier jour de rentrée scolaire, le renvoi de l'école des enfants qui ne portaient pas de tablier de la couleur qu'a choisie Aboubakr Benbouzid. La rentrée scolaire a enregistré hier ses premières prises de bec entre le personnel encadrant et les parents d'élèves. «Nous avons cherché partout, dans tous les magasins mais on n'a pas trouvé de tablier bleu pour nos enfants,» se plaignait hier cette maman d'un élève de deuxième année. Une jeune dame a expliqué qu'elle a même été voir des entreprises de confection mais, a-t-elle précisé, «leurs responsables nous ont répondu qu'ils n'avaient même pas eu le temps de ramener le tissu qu'il faut pour fabriquer ces tabliers bleus». Il faut croire que les membres du gouvernement se sont entendus pour compliquer la vie aux Algériens qui peinent déjà depuis longtemps à en réunir les conditions les plus élémentaires. Les dispositions de la loi de finances qu'on dit décidées pour mettre de l'ordre dans les importations, ne semblent avoir pris en considération aucune conséquence sur l'approvisionnement du marché en produits que les politiques jugent pourtant «nécessaires», comme c'est le cas des tabliers de couleur bleue et rose comme le veut Benbouzid. «Pour importer aujourd'hui le tissu qu'il faut pour faire un vêtement de qualité, il faut faire d'autres parcours du combattant plus que nous faisions déjà avant l'adoption de la loi de finances complémentaire pour 2009», nous dit ce chef d'entreprise de production. Le tablier et la réforme Les élèves qui ne portaient pas hier de tablier bleu (pour les garçons) et rose (pour les filles) ont été renvoyés de l'école par les directeurs ou les surveillants. Les représentants du ministère de l'Education ont soutenu, hier, que la décision d'unifier la couleur des tabliers est «d'une importance cruciale». Un inspecteur dépêché par la tutelle pour expliquer «l'éminence» de ce choix «politique» de l'Etat algérien a affirmé que «le port d'un tablier d'une même couleur instaure la discipline au sein de l'école et introduit de l'harmonie dans ses rangs». Un autre responsable au ministère de l'Education nationale a dit mieux : «le port du tablier permet de faire la différence entre celui qui cherche le savoir et celui qui fait autre chose». Voilà pour les explications des fonctionnaires de l'Etat d'une décision que Benbouzid a pris probablement pour détourner l'attention des parents d'élèves de l'essentiel qui doit sauver l'école algérienne du naufrage. En effet, pour cette rentrée scolaire, les politiques du pays se sont empressés d'imposer aux garçons, un tablier de couleur «bleu foncé» mais, interroge une maman «on sait pas s'il faut qu'il soit à manches longues, sans motifs, avec des poches droites et avec col» et un autre pour les filles de «couleur rose» peut-être ajoute une autre «de préférence pâle pour ne pas attirer l'attention, long, ample, sans motifs aussi, de tissu non transparent». Et comme le ridicule ne tue pas, des responsables du secteur inscrivent ce choix dans le cadre des réformes du système éducatif que le gouvernement mène depuis des années. Le choix du tablier a aussi été décidé dans le sillage de la réflexion sur les modalités de mise en oeuvre du nouveau week-end dans le cycle scolaire. Hier, Benbouzid a, toutefois, demandé aux personnels encadrants de ne pas trop se fixer sur la couleur du tablier. «Les élèves peuvent porter des tabliers bleus, bleu ciel ou bleu nuit», a-t-il cru bien dire. A partir du palais de la Culture où il a assisté hier à un cours sur le virus A/1HN1, il a recommandé au personnel encadrant de ne pas renvoyer les élèves qui n'en portent pas encore. Trop tard, le coup était déjà parti. Ratages et dérives politiques Les parents d'élèves ont eu donc à gérer hier des exclusions d'élèves dont les raisons n'ont rien à voir avec l'essentiel dans un cursus scolaire. Quand Benbouzid a été auditionné il y a peu de temps par le président de la République, il ne lui a pas dit que pour cette rentrée, il y a encore des classes où s'entassent 41 élèves. Une dame habitant le quartier de Sidi El-Bachir à Oran nous en parlait hier. «Le directeur du CEM de Sidi El-Bachir m'a montré des listes de 41 élèves par classe pour me dire qu'il ne pouvait en inscrire d'autres», a-t-elle affirmé. Il y a des écoles qui sont en construction depuis deux ans et qui ne seront donc pas livrées cette année. A Alger, les choses ne vont pas mieux. Il y a aussi des classes qui débordent d'élèves notamment du côté de l'ouest de la capitale. Un membre de la fédération des parents d'élèves avait insisté hier, sur le problème de la double vacation qui dure toujours. «Cette année, on aura aussi des élèves qui sortent de la classe pour que d'autres y rentrent tout de suite, ce problème dure depuis des années en raison du manque de classes et de l'augmentation en parallèle du nombre d'élèves, il faut que la tutelle le règle parce qu'il a des conséquences néfastes sur l'apprentissage de l'enfant», a-t-il estimé. Les écoles construites en préfabriquées n'ont toujours pas été remplacées par des constructions en dur. L'amiante continue de menacer la santé des élèves. Hier, on entendait dire un responsable de l'Education nationale que «la décision de réduire les cours de 60 à 45 minutes, ne peut pas être applicable tout de suite, on attendra quelque temps, on verra comment ça serait possible de le faire». C'est à l'à-peu-près que navigue l'école, une institution républicaine que les responsables gardent en chantier ouvert pour tenter d'absurdes expériences. L'école l'est comme l'économie, les finances, l'agriculture et autres secteurs, tous évoluent au gré des humeurs, des ratages et des dérives politiques.