Rattrapée par la crise internationale, mise sur la liste des pays qui recyclent (et recèlent) l'argent sale, poursuivie par les agences de contrôle fiscal, la Suisse se découvre raciste, xénophobe et frappe son premier coup : non à l'islam ! Dimanche dernier, les Suisses se sont prononcés, par référendum, à une large majorité pour l'interdiction de la construction de minarets de mosquées. 57,6 % de «non» aux minarets, représentant le vote de 24 Cantons sur les 26 que compte le pays. Ce sont deux partis politiques conservateurs, de la droite populiste que sont l'Union démocratique du centre (UDC) et l'Union démocratique fédérale (UDF) qui sont à l'origine de ce référendum, et qui ont conduit la campagne «anti-minarets». Le résultat a surpris et étonné la majeure partie de la classe politique suisse, d'autant plus que les sondages avaient prévu le résultat inverse, soit en faveur de la construction des minarets. Il est vrai que l'UDC est le premier parti politique, sur les 12 partis présents au sein du Conseil national suisse (pouvoir exécutif), avec 58 sièges sur les 200, alors que l'UDF ne dispose que d'un seul siège. Mais il est vrai aussi que ces deux partis politiques ont battu campagne pour interdire la construction de minarets de mosquées. Le reste de la classe politique suisse a été muet, absent lors de la campagne de référendum. Immédiatement après l'annonce du résultat du vote, le parti des Verts a déclaré saisir la Cour européenne des droits de l'Homme pour violation de la liberté religieuse, garantie par la Convention européenne des droits de l'Homme. La vérité est que l'avis de la Cour européenne des droits de l'Homme n'a pas d'effet contraignant, et demeure qu'un avis consultatif. Aussi, il faut considérer que désormais aucune mosquée n'aura le droit en Suisse d'élever un minaret. Logiquement, l'article 72 de la Constitution suisse qui régit la relation entre l'Etat et les religions sera amendé par l'Assemblée fédérale (pouvoir législatif) pour y inclure en toutes lettres «l'interdiction pour les musulmans d'ériger des minarets pour les mosquées». Ce vote est interprété comme une revanche de la droite populiste qui, dans la perspective des élections fédérales d'octobre 2007, avait orchestré une campagne contre la présence des étrangers d'une rare violence, symbolisée par des affiches représentant un «mouton noir» éjecté à coups de ruades par des «moutons blancs». Depuis, la Suisse empêtrée dans des difficultés économiques et financières, classée par les pays du «G20» dans la liste des pays «gris» spécialisés dans le blanchiment d'argent sale, poursuivie par les institutions internationales de contrôle financier... voit son image de pays «tranquille et neutre» sérieusement écornée. La Suisse ne peut échapper au rouleau compresseur de la mondialisation. Le vote de dimanche contre les minarets (islam ?) n'est rien d'autre que l'expression d'un repli sur soi, d'une peur de la population helvétique entretenue par la propagande des conservateurs et ultra-libéraux au pouvoir. Longtemps citée en exemple pour sa tolérance et son intelligence à faire vivre et coexister la diversité ethnique et culturelle de ses populations (il y a 4 langues officielles), la Suisse se découvre, soudain, un pays xénophobe et surtout anti-musulman. Interrogé, l'islamologue Tariq Ramadan, citoyen suisse, a estimé que «les Suisses ont exprimé une vraie peur, un questionnement profond sur la place de l'islam en Suisse.» Il n'a pas tort. Les musulmans sont à peine 150.000 pour une population globale de plus de 7,5 millions à majorité chrétienne (catholique et protestante). Avec ce vote contre les minarets, la Suisse déclare vouloir faire face à une «islamisation» du pays. Elle est convaincue de protéger le pays contre l'islam. Après tout, elle est fidèle à sa logique : c'est bien la Suisse qui fournit la «garde prétorienne» du Vatican à Rome.