«L'accord d'association n'est pas figé. Il a tout à fait la possibilité d'évoluer et de s'adapter à des situations nouvelles», a affirmé le directeur chargé de la Méditerranée du Sud et du Moyen-Orient à la direction générale des relations extérieures de l'Union européenne. Tomas Dupla Del Moral a, en effet, animé hier une conférence de presse au siège de l'ambassade de l'Union européenne à Alger en présence de l'ambassadeur Laura Baeza juste après avoir rencontré le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. «La mission est tout à fait possible, pour cela, nous avons une clause de rendez-vous en 2010», a précisé le responsable européen au sujet d'une éventuelle renégociation de l'accord d'association qui lie l'Algérie à l'UE. Les deux parties ne vont certainement pas tout revoir même si Del Moral met en avant «de nouvelles situations, la crise financière et autres changements». Elles vont en premier réexaminer les dispositions que l'UE estime «écorchées» par celles contenues dans la loi de finances complémentaire pour 2009 jugées par les Européens totalement en contradiction avec l'accord. «On remarque que les importations en provenance de l'UE n'ont pas beaucoup évolué», a affirmé Del Moral relativement à l'évaluation de l'accord d'association. Les investissements européens en Algérie, eux, ont, dit-il, «augmenté de 5 fois plus. Non seulement ils ont augmenté mais ils l'ont été dans le sens de la diversification.» Ceci étant dit, il précise que la décision d'implanter des IDE revient aux investisseurs privés et non aux institutions. «Notre rôle est de leur faciliter les conditions d'accès au marché algérien», a-t-il noté. L'accord, rappelle-t-il, «prévoit une manière de traiter ces questions et permet de prendre des dispositions de protection de l'économie nationale contenues dans l'accord, au lieu de le faire en dehors». Et bien que Del Moral affirme que «les obligations contenues dans l'accord ont été en général respectées par les deux parties, son allusion a été au non respect par l'Algérie des dispositions 37-1 et 37-2 portant respectivement clause de stabilité et clause de non discrimination». Les conditions européennes «Les deux parties sont convenues de l'importance qu'elles attribuent à la réussite de la mise en oeuvre de l'accord d'association et de la nécessité de préserver les intérêts de chaque partenaire dans le respect des obligations juridiques découlant de l'accord», est-il souligné dans le communiqué de presse européen sanctionnant les consultations menées ces 2 et 3 février entre la délégation de l'UE et l'Algérie. Del Moral fait aussi savoir que les deux parties vont prochainement négocier le volet agricole. «Les parties ont discuté des prochaines étapes de la coopération en matière agricole en vue de l'échéance prévue pour le début des négociations en matière de libéralisation du commerce des produits agricoles, agricoles transformés et de la pêche», est-il dit. Ces négociations se feront sous le sceau d'une condition européenne stricte à savoir «l'importance de la compétitivité et de la conformité des entreprises aux normes techniques et sanitaires». Condition que l'Algérie considère comme étant une mesure d'interdiction d'entrée de ses produits sur le marché européen. «Le marché européen est exigeant, il faudrait que les Algériens comprennent qu'il faudra s'y adapter parfois conformément à des règles qui sont internes et pas européennes», a justifié hier le responsable européen. «Les règles européennes sanitaires et phytosanitaires sont strictes. Elles ne sont pas des barrières mais des conditions essentielles pour protéger le consommateur. Elles ne sont pas que pour l'Algérie mais pour tous les pays», a-t-il encore souligné. Promesse d'assistance européenne A l'accusation algérienne à l'UE de ne pas respecter son engagement de l'assister pour adhérer à l'OMC, Del Moral répond «l'Algérie nous a dit qu'elle fait de son adhésion à l'OMC un choix stratégique irréversible et pour nous c'est extrêmement important». Il continue pour dire que «l'assistance qu'elle attend de nous est de l'aider à relancer encore une fois les contacts qui ont été insuffisants. Nous avons envoyé au gouvernement algérien toutes les questions mais on n'a pas eu de réponses directes.» Le responsable européen renvoie la balle aux Algériens et fait d'une pierre deux coups en reprochant au gouvernement algérien de n'avoir pas donné de réponses directes, comprendre convaincantes, et d'avoir en plus gelé les négociations relatives à cette adhésion. Du coup, l'assistance européenne qui doit, selon la clause jointe en annexe de l'accord d'association, être apportée aux Algériens en matière d'expertise et de technicité pour réussir l'adhésion à l'OMC se transforme en une assistance pour renouer les contacts qui sont jugés insuffisants. Les usages diplomatiques interdisent peut-être aussi au responsable européenne d'indiquer que les Etats-Unis, eux non plus, n'ont pas arrêté de questionner l'Algérie sur de nombreux et différents aspects législatifs et réglementaires régissant son économie. «Un véritable harcèlement», pensent les Algériens pour expliquer que les Américains sont aussi pour beaucoup dans le retard des négociations. En tout état de cause, les Européens promettent au sujet de la reprise de ces négociations, de «discuter de la procédure et de l'examiner avec la partie algérienne». Ils lui promettent aussi par la voie de Del Moral, une assistance pour améliorer les capacités des exportateurs algériens. «L'accord, a-t-il dit, profiterait à plus de dynamisme». Del Moral a quand même noté au début de sa conférence de presse que «nous avons décidé d'entreprendre cette visite pour des raisons qui nous sont évidentes, parce que l'Algérie est pour nous un pays important dans nos relations bilatérales au niveau de l'Afrique du Nord, de l'Afrique, du monde arabe et aussi des Nations unies». Les contacts doivent donc être selon lui «plus fréquents et trouver les mécanismes nécessaires pour pousser cette relation de l'avant». Il conseille de faire ainsi «pour mieux préparer l'échéance à venir, celle de la tenue du Conseil d'association en juin prochain». Le ton semble à l'optimisme quand on l'entend dire que «ces contacts sont développés dans un climat ouvert et cordial pour identifier des voies de coopérations dans l'avenir». Questions «complexes» de Khelil à l'UE L'énergie est cet autre dossier qui pèse lourdement dans ces contacts. «C'est dans l'intérêt des deux parties d'avoir un partenariat stratégique en énergie», a déclaré le responsable européen. Il fait savoir à cet effet que «l'Algérie a fait quelques propositions pour changer la procédure et a exprimé son intérêt aux énergies renouvelables». L'UE se dit disposée «à adapter la procédure dans le domaine énergétique aux demandes algériennes». A propos de Sonatrach et de Sonelgaz, il avoue que «le ministre Khelil a adressé une lettre à l'UE dans laquelle il a posé des questions assez complexes du point de vue juridique auxquelles nous allons répondre je ne sais pas comment mais nous allons le faire». A propos de la question du double prix du gaz posée par l'Europe à l'Algérie, il est permis de croire aussi que l'UE est disposée à accepter les arguments algériens puisque Del Moral reconnaît qu' «il y a un manque de compréhension mutuelle. Mais les discussions s'améliorent et les positions se rapprochent, on essaie de voir comment traiter ça du point de vue procédural et technique», a en effet affirmé le conférencier. L'Algérie participera en février prochain à une rencontre euro-méditerranéenne sur le plan solaire que l'UE a décidé de développer. Entre autres résultats des consultations Algérie-UE, la confirmation par l'Algérie de concrétiser «sous peu sa proposition de création d'un sous-comité dialogue, sécurité et droits de l'homme». C'est ce qui a trait à la libre circulation des personnes qu'assure l'accord mais que les Européens veulent ignorer. «Cette question doit être discutée en bilatéral», a simplement dit Del Moral. Par contre, il sera précis au sujet de l'accord de réadmission que l'UE veut arracher à l'Algérie. «La négociation d'un accord de réadmission est une obligation. Il serait bénéfique de traiter cette question à l'échelle européenne, nous allons d'ailleurs en discuter ensemble», a-t-il souligné. L'UE déclare être en attente d'une proposition algérienne pour ce qui est de la gouvernance démocratique et des droits de l'homme. Rejetée par l'Algérie, la politique européenne de voisinage semble revenir sous une autre forme. «C'est un choix souverain que nous ne discutons pas mais nous constatons réellement que cette politique est basée sur des critères de performances politiques et économiques auxquels doivent se conformer les nouveaux membres de l'UE. C'est un processus qui a des avantages desquels pourrait profiter l'Algérie. C'est à elle de décider de les utiliser ou pas», a-t-il déclaré. Le directeur du Proche et Moyen-Orient et de la Méditerranée du Sud est arrivé en Algérie lundi dernier accompagné de 12 fonctionnaires issus des départements européens du Commerce, de l'Agriculture, de l'Energie et des Transports et donc certains sont spécialistes de la politique européenne de voisinage.