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Monologue du moniteur savoyard
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 03 - 2010

Je suis moniteur depuis bientôt vingt ans. Mon monde, c'est la montagne.
Les Alpes, et avant tout la Savoie. J'ai pas envie de vivre ailleurs. J'ai très vite arrêté la compète. Mon vrai plaisir, c'est d'apprendre aux gamins à skier, de les voir progresser. De se rendre compte que le minot, qui avait de la peine à porter ses skis, se lâche complètement au bout de quelques jours et qu'il a envie d'aller plus loin dans les dérapages. J'aime aussi skier avec des familles.
On sent que c'est peut-être bien la seule fois de l'année où ils sont tous ensemble pendant plusieurs heures. J'adore les randonnées d'été. J'emmène des gens découvrir des endroits dont ils n'imaginaient même pas l'existence. On marche, on parle et on s'arrête pour manger. La vie… Mais c'est pas toujours aussi simple, surtout à cause des Parisiens. Ceux-là, je crois qu'ils skient comme ils prennent le métro. Veulent courir, toujours et encore. Nous, on dit rien, mais on observe.
C'est comme je vous le dis, monsieur, quand les vacances scolaires arrivent, on est sous pression parce qu'on sait qu'ils vont débarquer en force, qu'ils seront complètement speed et que ça va être infernal. J'veux pas généraliser mais il y en a beaucoup qui pensent que tout leur est dû y compris la neige. Il y a deux ou trois ans, il n'a pratiquement pas neigé dans le coin, il fallait monter plus haut du côté d'Avoriaz ou de Tignes. Y'a un client qui m'a carrément insulté quand je lui ai dit que pas mal de pistes étaient fermées.
Un banquier... Comme si c'était ma faute. Bien sûr, je comprends, le gars était forcément déçu : il avait réservé ses cours dès le mois de septembre et il débarque en février pour trouver de la soupe… Mais de là, à m'insulter…
Tiens, une autre anecdote. Vous voyez la femme qui s'occupe du tire-fesse ? Ce matin, mais vraiment pas plus tard que ce matin, elle en est venue aux mains avec une parisienne. Y'avait un un Russe ou un Ukrainien – ils commencent à venir par ici parce qu'avec la crise, Megève, ça devient trop cher pour eux. Visiblement, le gars n'avait jamais utilisé de remonte-pente. La collègue – j'dis ça parce que c'est une ancienne monitrice – a pris son temps pour lui expliquer comment faire. Et là, tu vois pas que la dame bouscule tout le monde pour installer son fils à la perche. La collègue a hurlé. D'abord parce que c'est son matériel et ensuite parce que c'était dangereux. La mère du gamin s'est mise à crier aussi. « J'ai payé » qu'elle disait. Il a fallu qu'on les sépare, y'a même eu une mêlée et les gens qui avaient pas déchaussé sont tombés. Quelle histoire !
On a du mal, monsieur, on a vraiment du mal. Dimanche, y'a un type qui est venu vers moi en poussant sa fille dans le dos. Elle n'avait pas envie de skier mais il ne voulait rien entendre. C'était un cours collectif, les premières étoiles. J'ai tout de suite vu qu'elle n'avait pas le niveau. Un ourson, peut-être mais certainement pas un flocon.
Le père était enragé. Il fallait que je me débrouille pour que la gamine nous suive, sous prétexte qu'il ne voulait pas qu'elle soit avec des enfants plus jeunes qu'elle ! Le lendemain, je l'ai quand même changée de groupe en la mettant avec des débutants. Le père m'a eng... comme pas possible. Les zozos comme lui, on les repère dès le premier jour des cours.
D'abord, ils bousculent tout le monde pour prendre le dossard de leurs enfants. Ensuite, ils se plantent devant toi alors que t'es en train de compter les titous et ils te débitent toujours la même histoire : « il a un bon niveau, il faut le mettre en tête de la file, il faut le ménager, il faut le secouer… » Et c'est qu'un début.
Parce qu'ensuite, ces types nous harcèlent sur les pistes ! Nous, on croit être seuls avec le groupe, et hop, voilà le père et la mère qui déboulent tous schuss et qui veulent nous faire croire que c'est un hasard. Et le pire, c'est le jour de l'examen. Ces abrutis ne se rendent même pas compte que c'est eux qui déstabilisent leurs gamins.
Mais y'a pas que les Parisiens. Les Anglais, c'est quelque chose aussi. Au début, les gens étaient contents. Ils ont amené de l'argent, ils ont racheté des chalets qui tombaient en ruine. Mais petit à petit, ils se sont vraiment installés et ils se sont mis à se fournir ailleurs que dans la région. Et là, les gens du coin ont commencé à râler et à médire. Il fallait voir ce qui s'est passé pendant les élections municipales. Y'a un journal du coin qui a titré : « Un Anglais pour Maire ? ». Ça en disait long sur l'ambiance. Faut dire, qu'il y en a qui se sont peut-être sentis un peu trop chez eux. Par exemple, y'a ceux qui refusent que leurs enfants soient placés dans des cours de ski où il y aurait des Français.
Pour eux, pas question de cours bilingues sinon ils nous fument ! Et forcément, ça fait jaser dans le coin.
Ce serait bien qu'Annecy soit choisie pour les Jeux Olympiques d'hiver de 2018. Franchement, la région en a bien besoin. On a l'impression que tout patine. Les sous-traitants de l'horlogerie ferment, les jeunes doivent faire quarante kilomètres pour aller au cinéma, les villages se vident.
Quand on regarde la télévision, on a l'impression que le monde n'arrête pas de bouger. La Savoie et la Haute-Savoie ont besoin de projets. Heureusement qu'il nous reste encore la neige. Vous avez déjà vu une godille ? Demain soir, il y a une démonstration de ski et une descente aux flambeaux pour soutenir la candidature d'Annecy. Venez voir comment deux cent moniteurs vont glisser en godille. Un serpentin humain, une vraie mécanique de précision. Venez, ça vous arrachera des frissons, vous verrez. Ça c'est quelque chose qui épate bien les Parisiens. J'crois même que ça les calme un peu.


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