Le rédacteur en chef d'Al-Qods Al-Ara-bi, Abdelbari Atwan, s'étonnait hier de voir les dirigeants arabes réunis à Syrte parler comme la rue arabe. Atwan, qui n'est pas un naïf, maniait tout simplement de l'humour pour montrer que les dirigeants arabes étaient en panne d'échappatoires. Si les dirigeants arabes parlent comme la «rue arabe», cela ne signifie pas en effet qu'ils se sont rapprochés de leurs populations. En réalité, ils cherchent à justifier l'état d'impuissance à laquelle a mené leur politique d'alignement à l'égard des Etats-Unis. Le seul dirigeant à Syrte qui n'était pas distant de sa population n'était pas arabe mais turc ; il n'était pas un membre de la Ligue mais un invité. Elu démocratiquement par une majorité de ses citoyens, Tayyip Erdogan pouvait se permettre d'exprimer le sentiment des Turcs sans craindre un froncement de sourcils de Washington ou d'Israël. Ce n'est pas un hasard si les propos fermes du chef du gouvernement turc ont paru à la presse internationale comme plus importants que les jérémiades arabes, qui continuent sur le monde du «retenez-nous ou l'on retire notre plan de paix» ! Washington et les Européens vont-ils pour autant les prendre au sérieux alors qu'ils ânonnent, à vide, que la «paix est un choix stratégique» ? Il paraît que Mahmoud Abbas a polémiqué avec le président syrien Al-Assad, car ce dernier a défendu l'idée de résistance. On ne s'étonne de rien, bien sûr ! Mais qu'un dirigeant palestinien d'une organisation qui s'appelle encore le Fatah (mouvement de libération de la Palestine) et de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) ne supporte plus le mot «résistance», est tristement significatif. Mahmoud Abbas, dirigeant faible, «adoré» par les Occidentaux mais pas par ses compatriotes, est l'alibi parfait pour les autres dirigeants arabes. Ils ne peuvent se permettre d'être plus palestiniens que les Palestiniens ! Argument bien entendu affligeant. Certains sont plus prompts aux diversions. Quand M. Amr Moussa prône, et avec quelle prudence, un dialogue avec les Iraniens, certains Arabes très modérés réagissent de manière pavlovienne, pour dire que ce n'est pas le moment ! Ce ne sera jamais le moment, bien entendu. Les Arabes accepteront de dialoguer avec l'Iran quand Washington l'aura fait C'est-à-dire quand ce sera totalement inutile. Que restait-il à faire ? Parler vaguement de Jérusalem, assortir la reprise des négociations indirectes à la suspension de la colonisation, créer un comité - la belle affaire ! - qui va suivre la mise en œuvre des «décisions» du sommet de Syrte. La ligue de l'impuissance arabe aime à se gaver de mots, encore que dans les conditions actuelles, les inventifs sherpas de la langue de bois arabe paraissent bien dépassés. Le subterfuge de dirigeants arabes parlant comme la «rue arabe» qui étouffe sous leur oppression ne passe pas. A Syrte, seul le propos d'Erdogan a paru avoir du sens , car exprimé par un homme démocratiquement élu, qui n'éprouve pas le besoin de faire semblant...