« Oum Eddounia» a mal. Plus de 80 millions de ses enfants appellent leur président à partir, manifestent et tombent sous les balles pour qu'ils fassent dégager la voie à une ère nouvelle dans un pays qui a été longtemps géré d'une main de fer. Trente ans barakat ! Clament les Cairotes, mais surtout les Egyptiens, qui semblent aujourd'hui poussés par une formidable énergie pour demander au Maître des Lieux de dégager. Peine perdue, puisque ni les morts, ni les appels pressants de la communauté internationale, ni les mentors américains n'ont donné un peu de bon sens à Moubarak pour bien jauger la situation explosive à laquelle il a mené son pays. Certes, l'Oncle Sam reste pour le moment bienveillant, et tente de protéger celui qui sert ses intérêts et ceux de ses 'ouailles» israéliennes dans la région, mais le restera-t-il aussi longtemps devant la pression de la Rue ? Y a pas à dire, l'Egypte est en train de basculer : vers où, on ne le sait pas encore, mais ce qui est certain, c'est que les gars du Nil, ceux qui supportent Al Ahly ou le Zamalek en ont marre de Moubarak et sa clique, et ils le montrent à leur façon en sortant dans les rues pour occuper les lieux. A Alexandrie, le pays du club d'El Ismailia, les choses ne sont pas meilleures pour le pouvoir, acculé depuis mardi à l'une des plus violentes protestas jamais enregistrées dans le pays, hors celles du pain des années 80. A Suez, qui a également une excellente équipe de football évoluant en D1 du championnat de football égyptien, les manifestations anti-Moubarak sont les plus violentes. Et les plus meurtrières. Et les plus inquiétantes pour Israël et Washington, car à deux jets de cailloux du territoire israélien. Et puis, pour être plus convaincants, les appels au départ de Moubarak et sa famille, enregistrent un renfort de choix, comme un N.10 providentiel. Cette fois-ci, c'est Cheikh Youcef El Qaradaoui, Egyptien exilé au Qatar dont il a pris la nationalité, qui se joint aux clameurs de la population égyptienne excédée par 30 ans de Hogra, en demandant au Tyran du Caire de s'en aller. 'Aie pitié pour ton peuple, et va-t'en», a-t-il conseillé à celui qui a jeté en prison des milliers d'opposants. Comme au temps des Pharaons, qui avaient le droit de vie ou de mort sur leurs sujets. Et, à bien des égards, Moubarak semble aussi têtu, aveugle et sans cœur que les pharaons. N'a-t-il pas révoqué vendredi son gouvernement, l'accablant de tous les maux, au lieu de faire ses valises comme le lui demandaient des manifestants, dont certains sont morts par balles quelques heures après un discours, qui a donné toute la mesure de sa volonté à s'accrocher, à plus de 80 ans, au pouvoir ? Les dictateurs, y en a un peu partout dans le monde, mais un Moubarak, sera le seul à jouir d'une certaine originalité. Il ne veut pas s'en aller, il veut rester, pour participer encore plus à la descente aux enfers de son pouvoir, de sa dynastie, de son règne. Quitte à en faire payer le prix par un pays qui le vomit. Le syndrome Saddam Hussein, qui a laissé son pays à feu et à sang, est là pour montrer la limite, à certains dictateurs de là-bas et d'ailleurs, à ne pas franchir. Quant aux Egyptiens, ils veulent, presque tous, jouer cette dernière partie contre leur dictateur, pour le terrasser définitivement. La question est juste de savoir combien de temps prendra ce combat pour la chute du Tyran.