De nombreux jeunes Algériens acceptent des contrats de pré-emploi destinés en théorie à acquérir une expérience. Une aubaine pour les employeurs car les salaires sont en partie pris en charge par l'Etat. Un pis-aller pour de nombreux jeunes. Portrait de Nassim, en sa troisième année de pré-emploi et sans certitude pour l'avenir. Nichée au milieu de vastes jardins de mandariniers et d'orangers, la maison de Nassim fait partie d'un domaine agricole qui résiste à l'avancée menaçante des nouvelles cités qui métastasent la ville de Blida. C'est une coopérative d'arbres fruitiers que son père tient, avec beaucoup de ténacité, depuis des années. Durant la période de cueillette, Nassim se fait un plaisir de recevoir les copains pour les faire goûter les bonnes clémentines de leur jardin. Il en parle bien, il en connaît un pan sur la culture des agrumes, les croisements, les variétés, le marché, la conservation Mais Nassim a choisi de faire autre chose dans sa vie. Le bac en poche, il a entrepris des études de gestion à l'université de Blida, il en sort en juin 2004 avec une licence en management. A l'époque il voulait monter sa petite entreprise agricole. Entre la théorie acquise à la fac et l'expérience qu'il se forge en vivant l'aventure. Pas toujours facile même si, un trait de caractère hérité de son père, il se sent capable de faire des choses par ses propres moyens. Sauf qu'il découvre rapidement que les «propres moyens» ne mènent pas à grand-chose Les projets avec l'Ansej ne le tentent pas trop. «Je ne veux pas travailler avec les banques, y a du profit illicite, de l'usure, «Riba». Je ne veux pas démarrer un projet, ma vie, avec ça». Nassim se met alors à déposer des CV un peu partout. Bilda ne manque pas de grandes entreprises. Mais ses appréhensions sont confirmées par l'absence de résultat. «Ici l'embauche passe par le piston». Il se décide alors à déposer aussi un dossier à l'Agence Nationale de l'Emploi (ANEM) qui promet du travail pour les jeunes, pas très bien rémunéré certes, «mais du travail quand même, un pré-emploi à 6000 da !». «J'ai gagné l'expérience des routes» Au bout d'une année «d'attente et de bricolage» arrive la convocation militaire. Nassim pense que c'est une perte de temps, mais il va le faire. «Il vaut mieux le liquider et avoir la paix après, surtout si tu veux t'assurer un travaille stable, on te demande automatiquement la carte, privé comme Etat ». Il a attendu tout de recevoir le 3ème ordre d'appel, le dernier avant le fameux «avis de recherche» pour prendre son paquetage. 18 mois dont une année dans un poste de surveillance à Tindouf. «Dix huit mois perdus, des amis et des tirs avec l'FM (Fusil-mitrailleur)», c'est ce qu'il en a retenu. De retour il doit tout refaire à zéro. On est fin 2007, grâce à un ami, on lui propose un travail de délégué commercial chez un fabricant d'électroménager qui a son dépôt à Blida mais la plupart des clients à Alger. «J'ai passé une année dans les embouteillages d'Alger à vendre des écrans plats et des démos numériques. 15 000 dinars par mois pour un travail de 8h à 17 h. Souvent plus quand ça ne roule pas. Au bout d'une année j'ai laissé tomber, le patron ne voulait pas me déclarer et m'assurer pour ne pas me payer plus 3500 dinars. J'ai gagné l'expérience des routes» «En 2008 Bouteflika parle des diplômés au chômage et de la fameuse expérience qu'on leur demande, et lance le programme d'insertion des diplômés c'est pas mal je trouve. Mon dossier déposé 3 ans auparavant à l'ANEM est remonté et on m'a appelé pour me proposer un contrat de pré-emploi chez SNTR groupe en tant qu'agent d'administration payé 12000 par la Wilaya (l'Etat prend en charge le salaire la première année). L'année suivante on a commencé à me verser le salaire de poste qu'ils ont évalué à 22000 da (12000 da par la wilaya et 10000 par l'employeur). J'en suis à ma troisième année. Toujours payé 22000 da, 10000 pour la Wilaya et 12000 l'employeur». Dans une année, l'incertitude Nassim ne sait pas ce qu'il en sera à l'avenir. Son contrat avec l'employeur expire dans une année. Celui devrait, dès l'année prochaine, lui verser la totalité de son salaire. Mais il n'est pas tenu de l'augmenter ni de le garder. «Ce contrat est fait pour donner d'abord la possibilité d'acquérir de l'expérience». Mais à bientôt 31 ans, Nassim veut mettre plus de chances de son côté. Pas gagné d'avance. «L'autre jour en allant réclamer à la wilaya un retard de payement, j'ai vu des centaines de dossiers de pré-emploi. L'agent de guichet m'en a désigné un paquet en me disant qu'ils appartiennent à un des plus grands magasins de Blida qui compte des dizaines d'employés. Plus de 90% d'entre eux sont sous contrat pré-emploi. L'employeur, ça l'arrange plus de prendre des jeunes en pré-emploi Donc après 3 ans je ne sais toujours pas si j'ai l'emploi. Et je suis loin de m'être fait une fortune pour un projet personnel du pré-emploi je suis devenu un pro de l'emploi». Nassim pense au fond qu'il est toujours sans emploi stable avec une vraie rémunération.