Deux mesures, numérotées 25 et 28, préconisées par l'initiative Nabni ne sont pas passées comme une lettre à la poste lors du premier débat public samedi à la salle Cosmos à Riadh El Feth. Elles touchent à la gestion des devises. La première propose de «développer les bureaux de change avec liberté de fixer les cours d'achat et de vente». La seconde évoque la «libéralisation du marché des changes afin de rapprocher le taux officiel du taux de change parallèle». Polémique. La crise du dinar en cours rend la question encore plus tendue. Le débat qui a eu lieu avec des adhérents à la démarche de Nabni a montré, au moins chez un intervenant, mais aussi les commentaires du site nabni2012.org, les mêmes oppositions connues sur la scène de la gouvernance économique en Algérie. «Une fuite massive de capitaux» est redoutée dans le scénario d'une extension de la convertibilité du dinar, plus proche de la convertibilité totale. La mesure 28 de Nabni est précise et suggère de démonopoliser la gestion du fonds de devises des recettes de Sonatrach - aujourd'hui détenue par la BEA - en consacrant 10 % de ces recettes à distribuer « entre les banques commerciales en fonction de leur dynamisme sur le marché des changes (mesuré par le nombre et le montant des transactions effectuées sur ce marché)». Toujours dans le souci de rendre plus concurrentielle la gestion des devises et d'assécher le recours au marché parallèle, Nabni suggère dans sa description de la mesure 28, d'autoriser des exportateurs à avoir accès à 100% de leurs recettes d'exportation en devises qu'ils pourront convertir auprès de la banque de leur choix, à un taux plus compétitif (contre 50% aujourd'hui, les 50% restants devant être obligatoirement convertis auprès de la Banque d'Algérie)». Raif Mokretar-Karroubi en charge des questions financières dans Nabni a rappelé qu'un vrai marché national parallèle de la devise existe et que les cours s'ajustent sur tout le territoire à la troisième décimale» à une heure près. Le grand problème est que l'écart avec le cours officiel est trop important, plus de 35% depuis un mois. Il convient de le réduire en organisant ce second marché. La Banque d'Algérie a accordé 52 agréments à des candidats cambistes, à la fin des années 90. L'activité n'a jamais démarré car les marges bénéficiaires réglementairement prévues pour cette activité commerciale n'étaient pas rémunératrices. «Il suffit juste que la Banque d'Algérie songe à établir des marges incitatives pour que l'activité des bureaux de change qui est autorisée et souhaitée démarre effectivement» a déclaré à Maghrebemergent un ancien ministre des Finances de l'époque du président Zeroual, période où l'activité de change a été légalisée. «Une autre organisation de l'administration» La première rencontre publique de Nabni a été l'occasion, entre autres d'expliquer, le mécanisme de sélection des mesures qui étaient retenues par l'initiative. Nabni compte proposer 100 mesures de réformes avant le 05 juillet 2011, à mettre en œuvre en une année, pour être au rendez-vous du cinquantenaire de l'indépendance. Le débat a permis également de mieux situer cette initiative citoyenne, «parallèle et indépendante» de l'agenda de la réforme politique lancé par le président Bouteflika. Interpellés sur la délicate question de la mise en œuvre des mesures proposées, les initiateurs du groupe ont soutenu que cela dépasse les moyens dont ils disposent. «Pour le moment nos capacités nous permettent juste de faire des propositions pour améliorer la vie des Algériens. Le jour où on pourra faire plus on en discutera», a indiqué Abdelkrim Boudra, porte-parole de Nabni. M.Hassane Khelifati, PDG d'Alliance Assurance et membre de Nabni, a admis que «la mise en œuvre des propositions de Nabni nécessite la réorganisation de l'administration», une mise en œuvre qui, pour Najy Benhassine, membre du comité de pilotage de Nabni, «implique une autre organisation que celle classique d'un gouvernement. Cela s'est fait ailleurs, en ce moment par exemple en Grande-Bretagne». Pour sa part, le Pr Abdelhak Lamiri, PDG de l'Insim, a proposé de prendre en compte l'élément du coût, dans les propositions de Nabni. Un élément qui devrait s'ajouter aux trois critères de sélection des mesures que sont faisabilité, utilité et priorité. Les initiateurs du groupe Nabni ont fait savoir que leur site web a reçu, depuis son lancement le 13 avril, plus de 44 000 visites avec une moyenne de 1830 visites par jour. Le groupe, a-t-on ajouté, a été destinataire de 193 demandes d'adhésion et de 443 emails dont seuls 14 étaient des « critiques malveillantes». Les initiateurs de Nabni, un espace ouvert aux nouvelles adhésions sur le site nabni2012.org, ont rappelé qu'ils comptaient attendre de boucler leurs 100 propositions avant de proposer le document à tous les acteurs de la vie sociale et politique dans le pays, «qui souhaitent en discuter».