L'ex-patron du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a été placé sous étroite surveillance mardi dans la prison new-yorkaise de Rikers Island, de crainte d'un éventuel suicide, après avoir été placé en détention pour agression sexuelle contre une femme de chambre d'un hôtel de luxe à Time Square. Il devra vendredi être fixé sur son sort, après la décision du grand jury sur un probable procès ou son non-lieu. Le procès de Dominique Strauss-Kahn, s'il a lieu, sera «équitable», a assuré le sénateur républicain Jeff Sessions, membre de la commission judiciaire du Sénat. «Je pense qu'il sera traité de manière équitable, parce que c'est notre responsabilité. Quiconque aux Etats-Unis, accusé de ce type de crimes, a le droit d'avoir un procès équitable et c'est ce que (DSK) aura», a déclaré le sénateur. Pour autant, en France, c'est toujours l'incrédulité sur ce qui s'est passé. Une grande majorité de Français - 57% - considère que Dominique Strauss-Kahn est «victime d'un complot», selon un sondage de l'institut CSA publié mercredi. En revanche, 32% d'entre eux estiment que le socialiste français, jusque-là favori de la présidentielle de 2012, n'est pas «victime d'un complot» et 11% ne se prononcent pas, selon cette enquête. Selon son avocat Jeff Shapiro, la femme de chambre qui dit avoir été agressée sexuellement par Dominique Strauss-Kahn niera catégoriquement devant la justice avoir eu avec lui une relation sexuelle consentie. «Quand les jurés vont entendre son témoignage et la voir, quand elle pourra enfin raconter son histoire publiquement», ils vont se rendre compte que «leurs allégations faisant état d'une relation sexuelle consentie ou de rendez-vous sont fausses», a déclaré l'avocat. «Il n'y a rien de consenti dans ce qui s'est passé dans cette chambre d'hôtel», a insisté l'avocat. Lundi, devant la cour, l'avocat de M. Strauss-Kahn, Me Benjamin Brafman, a déclaré de façon ambiguë: «les preuves médico-légales, selon nous, ne coïncident pas avec un rapport forcé», sans qu'on sache si cette déclaration correspondait à une nouvelle ligne de défense après avoir nié tous les faits. Les procureurs ont pour leur part indiqué lundi qu'ils avaient des preuves montrant qu'il y avait eu une tentative de viol, s'appuyant notamment sur l'examen médical pratiqué sur la plaignante après les faits présumés. Une chambre d'accusation («grand jury») de 16 à 23 jurés populaires doit se réunir en secret et en l'absence d'un juge, pour entendre les éléments de preuve de l'accusation et décider d'une inculpation formelle ou non. La décision de ce grand jury est attendue vendredi. La succession de l'ex-patron du FMI est déjà mise sur route par les Etats-Unis, qui estiment que «DSK», en prison, ne peut plus assumer cette tâche. Selon le secrétaire américain au Trésor, «DSK» mettant en doute sa capacité à diriger l'institution. «Il n'est évidemment pas en mesure de diriger le FMI», a déclaré Timothy Geithner lors d'une conférence mardi soir, tandis que le chef de la diplomatie britannique William Hague estimait mercredi qu'il «devra prendre une décision sur son avenir». «Je pense que Dominique Strauss-Kahn devra prendre une décision sur son avenir, mais il est évidemment dans une position très, très difficile», a déclaré M. Hague. Cette question devrait être «réglée dans les jours qui viennent», a renchéri mercredi le chef du parti majoritaire UMP en France, Jean-François Copé. Le Japon a toutefois estimé qu'il était trop tôt pour discuter du remplacement du directeur général du FMI. «Sur ce point, je crois qu'il est prématuré de même envisager» la question du remplacement de M. Strauss-Kahn, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano. De son côté, un porte-parole du FMI, William Murray, a déclaré que «nous sommes conscients du fait qu'il y a beaucoup de spéculations autour du statut du directeur général. Nous n'avons pas de commentaires sur ces spéculations», a-t-il affirmé, précisant que le Fonds «n'a pas eu de contact» avec lui depuis son arrestation. Pour autant,» si le poste était à pourvoir, le gouvernement est d'avis que ce devrait être à nouveau un Européen», a rappelé lors d'une conférence de presse Christoph Steegmans, vice porte-parole de la chancelière Angela Merkel, en ajoutant: «Il y a beaucoup de candidats très qualifiés en Europe.» Et succession en France En France également on prépare l'après «DSK» au parti socialiste. La patronne des socialistes français Martine Aubry est ainsi pressée par ses amis d'adresser rapidement le signal qu'elle sera candidate à la présidentielle de 2012 pour montrer que son parti peut surmonter le traumatisme de l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn. Bouleversée par les images de son camarade menotté, Martine Aubry refuse pour l'instant d'évoquer sa candidature, invoquant comme la plupart des responsables socialistes le respect de la présomption d'innocence et d'un certain délai de décence envers celui qui était jusque-là leur champion. «J'attends de savoir ce qui va se passer dans les jours qui viennent. J'attends la vérité des faits. J'attends d'écouter la voix de DSK et celle de ses avocats», a-t-elle répété mardi soir. Avant que l'ex-garde des Sceaux français n'enfonce «DSK»: «Ce qui est vrai, c'est que Dominique Strauss-Kahn a depuis toujours une réputation d'homme qui s'intéresse vraiment aux femmes, et même de libertin», selon Elisabeth Guigou.