Un manifestant a été tué samedi au Caire dans des heurts entre la police égyptienne et des militants qui bloquaient l'entrée du siège du gouvernement, selon des sources médicales. Ces affrontements mettent fin à une accalmie de 48 heures après une semaine agitée qui a fait 41 morts. Entre la place Al-Tahrir et les militaires, rien ne va plus. Et, au milieu, des Frères musulmans qui n'en finissent pas de cultiver l'ambiguïté. Un «nouveau» Premier ministre âgé de 78 ans désigné par les militaires avec les «pleins pouvoirs» face à une place Al-Tahrir, jeune et de plus en plus rétive à l'égard des partis politiques. La crise politique en Egypte s'exacerbe. Des jeunes en révolte qui ont fait de la place Al-Tahrir une institution révolutionnaire informelle exigent le départ «immédiat» des militaires et le transfert du pouvoir aux civils. En face, les militaires affirment ne pas vouloir s'accrocher au pouvoir mais qu'ils ne le remettront qu'à un pouvoir élu. Entre les deux, les Frères musulmans qui pensent pouvoir rafler la mise au cours des élections et qui jouent la «stabilité», donc les militaires, contre «l'anarchie», c'est-à-dire place Al-Tahrir. Et pour ajouter à la confusion, le nouveau Premier ministre, Kamal El-Gandouri, qui se prévaut de plus de pouvoirs que ses prédécesseurs, a indiqué que le nouveau gouvernement ne sera pas annoncé avant lundi, date officielle du début des élections législatives. Comment de telles élections pourraient avoir lieu dans ce climat de tension et d'affrontements ? C'est la question qui se pose. L'armée pense pouvoir régler le problème en décidant d'organiser le scrutin en deux jours au lieu d'un. Il n'est pas sûr que cette «prolongation» puisse sauver un scrutin rendu problématique par la crise. Kamel Al-Ganzouri, le nouveau Premier ministre, a beau avoir soutenu rapidement la contestation contre Moubarak, place Al-Tahrir, n'oublie pas qu'il a été son Premier ministre de 1996 à 1999. Et quand il affirme que le maréchal Tantaoui que la rue veut faire «dégager» n'entend pas rester au pouvoir, il ne convainc pas les révoltés. LES FM PLUS AMBIGUS QUE JAMAIS Place Al-Tahrir continue de donner le «là» de la révolution. Au grand dam des militaires mais aussi des partis et notamment des Frères musulmans (FM) qui défendent un retour à la stabilité. Mais si la place Al-Tahrir reste la plus entendue, elle n'a plus le monopole des rassemblements populaires. Les Frères musulmans, représentés par le parti Liberté et Justice, ont boudé le rassemblement de la place Al-Tahrir et organisé leur propre rassemblement, devant la mosquée d'Al-Azhar avec pour mot d'ordre la défense de la mosquée d'Al-Aqsa. Sans grand succès. Un troisième rassemblement de pro-CSFA (Conseil suprême, quelques milliers de personnes), a également eu lieu dans le quartier d'Abbassiya avec un mot d'ordre: «L'armée, la police et le peuple, d'une seule main». Trois rassemblements qui incarnent bien les polarisations politiques égyptiennes avec une place Al-Tahrir qui se veut gardienne de la révolution, des demandeurs de «stabilité» qui soutiennent l'armée et une ambiguïté des Frères qui manifestent un certain sens de l'opportunisme politique. Mais au fond, même la place Al-Tahrir qui veut faire dégager le maréchal Tantaoui n'a pas encore les idées claires sur la manière de sortir de l'impasse. Une pétition lancée vendredi soir proposait la formation d'un «gouvernement révolutionnaire de salut national» qui serait dirigé par Abdel Moneim Aboul Foutouh, ancien dirigeant des Frères musulmans, Hamdin Sabbahi, fondateur du parti nassérien Al-Karama, et Mohamed ElBaradei, ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Amr Moussa également. Problème: ces hommes sont candidats aux présidentielles. Hier le maréchal Tantaoui a reçu Mohamed ElBaradei et l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Les appels au départ des militaires rencontrent de l'écho. La Maison Blanche a demandé un «transfert complet de pouvoir à un gouvernement civil ( ) de manière juste et sans exclusive, qui réponde aux aspirations légitimes du peuple égyptien, dès que possible».