Avant le scrutin, dont les résultats sont maintenant connus, les observateurs et commentateurs nationaux et étrangers ont quasi unanimement pronostiqué qu'il allait donner lieu à une abstention électorale record et à un «raz de marée» islamiste. Dans les deux cas, leurs prévisions ont été démenties. Le 10 mai, l'abstention a été forte avec un taux de 57,1%, mais moindre de 8 points toutefois que celle enregistrée en 2007 pour le même scrutin législatif. Un tassement qui a fait se réjouir les autorités, à qui il a été prédit une «bérézina électorale» sans précédent. Il est indubitable que si plus d'électeurs qu'en 2007 se sont rendus aux urnes, cela est dû à l'impact qu'a eu dans l'opinion publique le discours «pathétique» prononcé à Sétif par le chef de l'Etat quelques heures avant le début du scrutin. Le pouvoir n'a pas tort de considérer qu'un taux de participation électorale de près de 43% à des élections législatives n'est nullement décrédibilisant pour leurs résultats et que, par conséquent, la nouvelle Assemblée nationale qui en est issue va être tout à fait légitime pour poursuivre avec lui le processus des réformes politiques engagé dans le pays par le président de la République. Les chancelleries étrangères, dont les parlements nationaux sont souvent élus avec des taux de participation plus faibles que celui enregistré jeudi en Algérie, feraient preuve d'une douteuse «intransigeance démocratique» si elles en venaient à considérer que les près de 43% de participation ne constituent pas une expression populaire dont ils tiendront compte. La «vague verte» tant annoncée ne s'est pas vérifiée elle aussi. Les partis du courant islamiste ont certes fait une percée électorale, mais ils n'ont pas surclassé, ainsi qu'ils le prévoyaient, ceux du courant nationalo-républicain. Le FLN, que tout le monde donnait fini parce que démonétisé par l'usure du pouvoir et les guerres de clans ayant fait rage dans ses rangs à l'approche des élections, est arrivé en tête un peu partout, conservant ainsi son statut de plus importante formation politique du pays. Toute majorité dans la nouvelle Assemblée nationale se fera par conséquent autour de lui et à ses conditions. Quid maintenant de la transparence et de la régularité du scrutin ? Les perdants s'empresseront évidement de contester les résultats du scrutin en faisant état d'une fraude préparée par les autorités avant même sa tenue et de dépassements multiples constatés çà et là pendant le déroulement des opérations de vote. Il leur sera difficile néanmoins de faire avaliser la thèse d'une fraude d'envergure ayant totalement faussé les résultats. La victoire du courant républicain et nationaliste dénote que les électeurs qui ont été aux urnes ne veulent pas la récidive d'une arrivée au pouvoir en Algérie des islamistes leur donnant tous les moyens de son exercice. Est-ce pour autant qu'ils ont voté pour la continuité du système dont le FLN et le RND, à qui ils ont entre autres accordé leurs voix, sont les symboles ? Du changement, les Algériens en veulent et réclament toujours, même si paradoxalement ils ont permis à ces partis de réaliser des scores qui leur permettent de rester au pouvoir. Bouteflika, et avec lui les dirigeants de ces partis, doivent tenir compte de leur demande de changement. En commençant celui-ci par le renoncement à la fausse alternance à la tête de l'exécutif gouvernemental du «binôme» Belkhadem-Ouyahia.