La situation a empiré notamment sur le plan humanitaire en Syrie où presque toutes les grandes villes du pays sont la proie de violents combats entre forces régulières et combattants de l'opposition, notamment à Alep où d'importants renforts des deux camps affluaient toujours mardi, au 4ème jour d'une vaste offensive de l'armée syrienne. Les combats se sont étendus en fait, mardi à d'autres cibles pour les combattants de l'armée syrienne libre (ASL) qui ont attaqué 2 commissariats de police à Alep et tué au moins 40 policiers, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). C'est la première fois que les combattants de l'ASL s'attaquent à un symbole de l'Etat. «Des centaines de rebelles ont attaqué 2 commissariats de police à Salhine et Bab Nairab (sud) et au moins 40 policiers ont été tués durant les combats qui ont duré des heures». L'opposition a également attaqué, durant la même journée de mardi, à l'aube et au lance-roquettes RPG, le siège du tribunal militaire et une branche du parti Baath au pouvoir dans la ville, selon l'OSDH. Des combats ont éclaté par ailleurs près du siège des puissants renseignements aériens, dans le quartier d'Al-Zahra dans l'ouest ainsi qu'à la périphérie du quartier Salaheddine (sud-ouest), principal bastion de l'opposition, assiégé par les troupes régulières. A Bab Nairab, dans le sud-est d'Alep, des accrochages ont opposé les insurgés «à des hommes armés du clan Berri», farouches partisans du régime dominé par les alaouites, une émanation du chiisme, selon le président de l'OSDH, Abdel Rahmane. Pour lui, 'le fait que le régime permette à ces clans sunnites de participer aux combats, aux côtés de l'armée «signifie qu'il veut entraîner le pays dans une guerre civile». A Alep, la bataille pour la prise de la ville s'annonce longue et difficile. Mardi, l'armée syrienne et l'opposition envoyaient des renforts vers cette ville «pour une bataille décisive qui devrait durer des semaines», selon une source de sécurité syrienne. «l'armée syrienne encercle les quartiers rebelles, bombarde mais va prendre son temps avant de se lancer à l'assaut de chaque quartier» tenu par les rebelles, a ajouté cette source. C'est cette image d'une Syrie qui bascule, chaque jour un peu plus, vers une guerre civile qui va s'inscrire dans la durée, qui inquiète par ailleurs la Communauté internationale. Mardi, la Commission européenne a réclamé des «trêves» dans les combats en Syrie, où se déroule «une tragédie humanitaire», afin de permettre l'évacuation des blessés et des civils. «Je demande à la Communauté internationale et en particulier au Conseil de sécurité des Nations unies de soutenir mes appels pour des trêves humanitaires», a lancé le commissaire en charge de l'aide humanitaire et de la gestion des crises, Kristalina Georgieva. Et plus que les instances internationales, les ONG commencent à prendre le relais pour avertir sur la situation humanitaire dramatique des Syriens. Sur le front politique, les choses bougent également avec l'annonce d'un prochain gouvernement syrien en exil. C'est l'opposant syrien Haytham al-Maleh qui a annoncé mardi, lors d'une conférence de presse, avoir été chargé de former un gouvernement en exil qui sera basé au Caire. «J'ai été chargé de diriger un gouvernement de transition (...) et de commencer les consultations» avec l'opposition en Syrie et en exil, a-t-il affirmé dans la capitale égyptienne. CRISE HUMANITAIRE MAJEURE A ALEP L'ONG 'Médecins du Monde'' a lancé un appel pour prévenir contre une catastrophe humanitaire majeure à Alep, soumise depuis plusieurs jours à des bombardements intenses de l'armée régulière, et souhaité que les belligérants en Syrie respectent les règles de droit en période de guerre. Elle les accuse de ne pas protéger les civils et les blessés, et d'empêcher les médecins de travailler. Lancé en français, en anglais et en arabe, l'appel s'intitule 'Nous, Médecins du Monde, refusons '. L'appel de Médecins du Monde rappelle que 'tous les jours, des milliers de Syriens fuient l'horreur et affluent dans des camps aux frontières libanaises, turques et jordaniennes, là où les ONG internationales leurs viennent en aide. Le diagnostic de Pierre Salignon sur la situation sanitaire en Syrie est terrible: les professionnels de santé sont assassinés ou torturés, les hôpitaux sont inaccessibles aux blessés par peur de représailles et les entraves à l'aide médicale sont constantes. ''Il est nécessaire pour l'ensemble des acteurs de rappeler qu'en toutes circonstances, en tous lieux, sans discrimination, chaque individu a droit à une aide médicale, estime-t-il. En Syrie, il y a une situation aujourd'hui inacceptable et il convient de rappeler qu'en situation de guerre, il y a des limites, et qu'il y a un certain nombre de règles de droit international à respecter''. Pour Jacques Beres, chirurgien de guerre depuis 45 ans et cofondateur de l'ONG « Médecins sans Frontières », la situation à Alep est grave. Il y a 2 millions de déplacés, donc 1 personne sur 10 en Syrie, explique-t-il. 'Il y a 200.000 personnes qui ont quitté Alep dans les 48 dernières heures. Dans Alep, c'est une situation gravissime de crise humanitaire profonde avec les bombardements, les boutiques fermées, pas de transports, pas d'ambulance, de grandes difficultés à se faire soigner, presque pas de nourriture. La farine va bientôt manquer, l'huile, les denrées de base. C'est une crise humanitaire majeure''. Depuis le début de la crise, plusieurs centaines de milliers de Syriens ont fui le pays, souvent avec des simples effets, et le mouvement s'est particulièrement accéléré ces dernières semaines avec les nouveaux fronts ouverts à Damas et Alep, après Homs, Idleb et Deir Ezzor, vidée à 70% de ses habitants. La Syrie, où une crise humanitaire grave se dessine, se vide de ses habitants.