Sans les aides multiformes et massives que lui a prodiguées l'Arabie Saoudite, l'EIIL n'aurait pu devenir cette machine de guerre qui après avoir mis en déroute l'armée irakienne et pris le contrôle des régions de l'Irak à dominante sunnite a proclamé la création du « khalifat musulman » et appelé tous les croyants à lui faire allégeance. On a pu penser donc que la tournure prise par les événements en Irak a comblé d'aise les émirs saoudiens. Il n'en est rien, car c'est la panique qui règne à Ryadh où les succès engrangés par l'EIIL sont apparus comme menaçants pour le royaume. L'affolement dont sont saisis les émirs saoudiens leur a fait déployer plus de trente mille soldats à la frontière du royaume avec l'Irak et envisager de quémander le soutien militaire de la Jordanie, voire si besoin est celui de l'Etat sioniste qui anticipant une demande de ce genre a fait savoir qu'il est disposé à apporter son concours militaire aux Etats arabes « modérés » qui s'estimeraient menacés par l'extension de l'avancée du groupe islamiste. Si l'Arabie Saoudite en est arrivée là c'est au constat qu'elle a contribué à la création d'un « monstre » qui échappe désormais à son influence et le lui prouve en créant ce « khalifat musulman » dont le postulat dénie à la monarchie saoudienne le leadership qu'elle se pense en droit d'exercer sur le monde musulman en sa qualité de souveraine du pays des Lieux saints de l'islam. Aveuglés par leur haine de la République islamique iranienne, les Saoudiens ont financé et armé l'EIIL et fait pression sur la rébellion sunnite en Irak pour qu'elle se fédère à elle avec pour calcul en arrière-plan que cette force ainsi constituée se contenterait de faire tomber le régime sectaire de Nouri Al-Maliki et établir un rapport de force moins déséquilibré qu'il n'est en Irak pour la communauté sunnite. En proclamant la naissance du « khalifat musulman », l'EIIL a fait comprendre que le projet saoudien n'est pas le sien parce qu'elle vise à soumettre à ce khalifat tous les musulmans y compris les Saoudiens. En soutenant l'EIIL contre Al-Qaïda et en l'aidant à prendre le dessus sur les groupes affiliés à cette dernière en Syrie et en Irak, les « stratèges » saoudiens ont cru détourner ces derniers d'un « djihad » englobant leur pays. Ils découvrent maintenant qu'ils ont couvé une force qui ambitionne de rassembler sous son étendard y compris l'Arabie Saoudite. La monarchie saoudienne ne reconnaît pas sa responsabilité pourtant avérée dans la montée en puissance de l'EIIL mais tente maintenant de s'en prémunir en essayant de retourner contre elle les autres factions de la rébellion sunnite et s'emploie pour cela à leur accorder exclusivement ses aides financières et militaires. Face au danger qu'implique pour la monarchie wahhabite la création du « khalifat musulman », il n'est pas surprenant qu'elle se prête à toute coalition destinée à étouffer dans l'œuf ce projet quitte à se retrouver aux côtés de parties contre lesquelles elle a fabriqué et soutenu l'EIIL. Le monde arabe doit certes sa situation chaotique aux plans cyniques de son renvoi au chaos concoctés par l'Amérique et ses alliés occidentaux, mais l'Arabie Saoudite en assume une part accablante pour s'en être faite le supplétif acharné et le bailleur et pourvoyeur de toutes les forces contribuant à leur mise en œuvre. Le comble est que la monarchie saoudienne persiste à aider à l'instauration de ce chaos en pensant ainsi conserver le « parapluie américain » la mettant à l'abri de sa contagion. Elle ne se rend pas compte ce faisant que si le chaos emporte la Syrie, l'Irak, la Jordanie qui n'en est pas immunisée, il débordera inéluctablement dans la péninsule pour la submerger.