Plusieurs vétérinaires exerçant à titre privé à travers le pays, viennent d'être notifiés par l'inspection vétérinaire de leur wilaya pour avoir délivré des certificats sanitaires à des éleveurs sans en aviser cette dernière. L'inspection vétérinaire étant la seule habilitée à remettre aux éleveurs et aux transporteurs de bétail les certificats sanitaires, notamment lorsqu'une épizootie ou une zoonose sévit dans le pays, comme c'est le cas de la fièvre aphteuse actuellement. L'information divulguée sur le réseau social veterinaireDZinfos ne précise pas s'il s'agit de cas de « complaisance », réprimés par la loi (aussi bien de la santé animale que pénale) ou plutôt d' « inadvertance » de la part des vétérinaires mis en cause, mais cela a suffi pour susciter, sur la toile, l'indignation de plusieurs spécialistes de cette corporation, qui s'en lavent les mains. Ceci est d'autant plus compréhensible pour ces derniers, puisque le ministre de l'Agriculture et du développement rural, Abdelouahab Nouri, vient tout juste de féliciter les médecins et les auxiliaires vétérinaires aussi bien du secteur public et que les privés pour leurs efforts dans la lutte efficace contre la fièvre aphteuse dont la propagation s'est stabilisée et qui est, selon lui, presque vaincue. « Cette épizootie aurait pu avoir des conséquences bien plus graves pour le cheptel national et l'économie nationale si l'Etat n'avait pris à temps les mesures nécessaires», avait-il notamment indiqué en marge d'une séance plénière du Conseil de la nation consacrée aux questions orales, avant de rendre hommage au travail effectué par les vétérinaires à l'échelle du pays. En tout cas, selon des sources proches de la Direction des services vétérinaires (DSV), des enquêtes ont été ouvertes par les inspections vétérinaires des wilayas concernées pour savoir les tenants et les aboutissements de la délivrance de ces certificats sanitaires ainsi que la destination du bétail mais aussi et surtout s'il y a eu, pour chaque cas, complaisance de la part du vétérinaire ou, plus grave encore, une contrepartie. Ces cas d'infraction à la législation de la santé animale entachent encore plus cette corporation qui, faut-il le rappeler, n'a pas encore son conseil de l'ordre, même si plusieurs vétérinaires privés nous ont signalé qu'ils ont été approchés par des éleveurs dans le but d'obtenir un certificat d'abattage ou de transport ou encore, tout récemment, pour leur faciliter le dépôt du dossier d'indemnisation auprès de l'inspection vétérinaire. Un vétérinaire de la wilaya de Tizi Ouzou, fortement touchée par la fièvre aphteuse, nous a indiqué que « depuis l'annonce faite par le ministre concernant l'indemnisation des éleveurs dont les bovins ont été abattus, je suis constamment harcelé par les éleveurs ». Le fait d'avoir participé à la campagne de vaccination, tout en laissant mon cabinet, précise-t-il, a fait croire aux éleveurs que je pouvais leur délivrer des certificats. Or, la réglementation mais surtout l'éthique m'interdit cela, affirme-t-il. Je les oriente donc vers l'inspection de la wilaya car, conclut-il, selon notre législation en matière de santé animale, seuls les vétérinaires du public sont désignés et autorisés par l'autorité vétérinaire nationale (AVN) pour la délivrance dudit certificat. Avant de conclure que les privés devraient participer dans la lutte contre les épizooties et donc l'AVN devrait les associer à côté des confrères du secteur public et non pas faire appel à eux uniquement en amont de la lutte contre les zoonoses et les épizooties. Mais malheureusement, déplore-t-il, l'absence d'un Conseil de l'ordre pour les vétérinaires, qui assistera l'AVN et renforcera les mesures sanitaires, ne permet pas cela pour le moment. Un Conseil de l'ordre pour structurer et/ou sanctionner les vétérinaires Selon le Dr N. Abdellatif, membre du Syndicat national des vétérinaires fonctionnaires, la loi actuelle sur la santé animale ne précise pas les sanctions qu'encourent les vétérinaires en cas de délivrance d'un certificat sanitaire de complaisance, et encore moins sur les modalités de délivrance des certificats, notamment lors des épizooties, alors qu'en France, par exemple, le vétérinaire est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende lorsque le certificat est établi sur des faits matériellement inexacts ou par complaisance. Ces peines, ajoute-t-il, sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine national et d'autrui. Il ajoute que dans le volet pharmacie, la loi actuelle autorise le vétérinaire à prescrire des médicaments à l'animal malade, avec comme seule condition la remise au propriétaire de l'animal d'une ordonnance où il est mentionné « médicaments à usage vétérinaire ». Tout en s'interrogeant : « qu'en est-il alors des médicaments de psychiatrie et surtout du devenir des vignettes. On devrait revoir la législation actuelle en concertation avec un Conseil de l'ordre, préconise-t-il. La Direction des services vétérinaires ne peut plus gérer un si vaste domaine qui touche la santé publique et la sécurité alimentaire, toute seule. Du côté de l'administration, la vision est toute autre. L'inspecteur vétérinaire principal de la wilaya d'Alger, Abdelhalim Yousfi, a tenu à nous préciser que pour une meilleure traçabilité du cheptel, seuls les agents désignés par l'autorité vétérinaire nationale (AVN) qui relèvent des inspections vétérinaires des wilayas sont habilités à signer les certificats sanitaires soit pour le transport des animaux, pour l'abattage ou pour tout autre mesure. « Nous constatons que beaucoup de certificats sanitaires, notamment au niveau des abattoirs lors de la réception des bêtes, émanent des vétérinaires exerçant à titre privé. Non seulement les bêtes sont refusées mais un PV sur le vétérinaire contrevenant est envoyé à la Direction des services vétérinaires (DSV). Je peux vous assurer que beaucoup de nos confrères privés ont été sanctionnés dans ce sens ». Pour lui, le « subterfuge » utilisé par certains éleveurs, soit pour le transport des bêtes d'une wilaya à une autre ou pour l'abattage, est de solliciter des vétérinaires privés ; or, ce genre de certificat, en dehors du caractère médico-technique comme l'abattage des femelles gestantes, est nul et non avenu. Avant de conclure que pour faire face à l'épizootie de la fièvre aphteuse, « nous avons alerté les services de sécurité afin de ne prendre en considération que les certificats émanant de l'inspection vétérinaire de la wilaya d'origine relevant à son tour de la Direction des services agricoles (DSA). Les vétérinaires privés contrevenant n'ont donc qu'à s'assumer. Il est vrai qu'en l'absence d'un Conseil de l'ordre et de l'éthique, le vétérinaire, contrairement au médecin et l'avocat, risque directement la prison !