Le président élu de la Tunisie Béji Caïd Essebsi a promis que "la page" de l'autoritarisme était tournée, alors que de nombreux défis attendent le berceau du "Printemps arabe" qui espère parachever sa transition vers la démocratie. « L'hégémonie est une illusion (...) Il n'y aura pas de retour à cela", a assuré M. Caïd Essebsi, un ancien cadre des régimes autoritaires de Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali, en excluant un retour aux vieilles méthodes. "Je suis pour qu'on tourne complètement la page du passé" et "regarder vers le futur", a ajouté le futur président de 88 ans dans un entretien diffusé tard lundi par la télévision tunisienne. Son élection avec 55,68% des voix marque la fin d'un cycle électoral destiné à doter enfin la Tunisie d'institutions pérennes quatre ans après la révolution de janvier 2011 et une transition chaotique marqué par l'essor de groupes djihadistes ainsi que de profonds problèmes socio-économiques. Pour éviter tout retour en arrière, la nouvelle Constitution, adoptée en début d'année, limite d'ailleurs les prérogatives du chef de l'Etat, l'essentiel du pouvoir exécutif reposant sur le gouvernement responsable devant le Parlement. Les observateurs électoraux de l'Union européenne ont salué hier le vote en notant que la Tunisie avait élu "pour la première fois son président lors d'élections crédibles et transparentes". La communauté internationale avait déjà salué cette avancée unique parmi les Etats du "Printemps arabe" qui ont basculé pour l'essentiel dan le chaos ou la répression. La chef de la mission d'observation de l'UE, Annemie Neyts-Uyttebroeck, a cependant relevé que les "chaînes de télévision privées ont clairement privilégié le candidat Essebsi", ce dont s'était plaint M. Marzouki. Mais le concurrent malheureux du second tour a tout de même reconnu sa défaite, après une campagne acrimonieuse, et appelé ses partisans au calme. Des affrontements se sont produits dimanche soir et lundi dans le sud, où M. Marzouki est arrivé largement en tête, entre policiers et manifestants qui protestaient contre les résultats de la présidentielle. Deux postes de police ont ainsi été incendiés à El Hamma et Nidaa Tounès, le parti de M. Caïd Essebsi, a indiqué que des protestataires avaient tenté d'incendier son local à Tataouine. FORMER UN GOUVERNEMENT Si la date de l'entrée en fonction du nouveau président n'a pas été fixée, M. Caïd Essebsi va devoir dès à présent s'atteler à former un gouvernement stable et bâtir une coalition, son parti ayant remporté les législatives mais ne disposant pas de majorité absolue avec 86 sièges sur 217. Il devra pour cela notamment composer tant bien que mal avec les islamistes d'Ennahda (69 députés), deuxième parti du Parlement, et contre qui il a fait campagne avec virulence. Les 62 autres sièges reviennent à une multitude de partis allant de l'extrême-gauche au centre-droit. Les nouvelles autorités tunisiennes sont très attendues sur le terrain de l'économie, le chômage et la misère à l'origine de la révolution restant endémiques. Elles devront aussi répondre à la menace djihadiste, alors que des dizaines de militaires et deux figures politiques anti-islamistes ont été tués depuis 2011. "On mesure le poids des contraintes auxquelles le président fera face: une dette massive, une croissance faible, un chômage élevé, une compétitivité dégradée et une sécurité hautement menacée", résume le quotidien La Presse. Le quotidien Le Temps, qui salue la sortie "victorieuse d'une épreuve harassante et pénible", souligne pour sa part que M. Caïd Essebsi n'a pas "reçu un chèque en blanc" des Tunisiens. "Aucun parti n'est en mesure de prétendre résoudre à lui seul les problèmes du pays", relève le journal.