L'argumentaire «c'est un mal nécessaire», en vogue depuis l'ère Tahar Sekrane, ex-wali d'Oran, par lequel l'on rétorquait à chaque constat de dégradation de la voirie urbaine par tel chantier, a perdu de sa force de pertinence par abus d'usage sans doute. Ce refrain, tout prêt, ne tient plus la route aujourd'hui. «Ce n'est pas l'exécution de travaux sur et sous le sol, avec son lot inévitable et irréductible d'actes d'intervention sur la voirie et de désagréments pour la ville et les citoyens, qui est blâmable, mais précisément la non-remise en état du domaine public endommagé en fin de chantier. Personne ne peut être contre une opération d'utilité publique, telle la rénovation d'un réseau AEP, la mise en place de la fibre optique, le déplacement d'une ligne de gaz ou d'électricité pour les besoins d'un projet structurant. Mais, en revanche, il est intolérable qu'on prenne ses cliques et ses claques en laissant les tripes de la voirie en l'air», souligne ce technicien de génie civil, qui remarque que le vrai-faux argument du «mal utile» est devenu un «leitmotiv» dans le milieu entrepreneurial -et institutionnel même parfois- pour faire taire toute voix s'insurgeant contre les dégâts de voirie occasionnés par des travaux très approximatifs et peu regardants sur l'impact urbain. Un chiffre, à lui seul, donne une idée sur le taux très faible, à Oran, de l'observation des dispositions de la remise en état : rien qu'en 2014, un total linéaire de 63 km de voirie a été laissé tel quel après des travaux entrepris par les différents concessionnaires de réseaux. Soit, donc, presque la distance entre Oran et Sidi Bel Abbès, laissée la chaussée éventrée, par endroits, et parsemée de nids-de-poule et tranchées, par d'autres. Les artères entrant en ligne de compte dans ce bilan noir sont nombreuses, et on peut en citer, à titre d'exemple, l'avenue Sidi Chahmi, qui a fait l'objet de travaux tout au long de son axe longitudinal et des ruelles transversales, de réfection du réseau d'adduction d'eau potable. «C'est bien qu'on rénove et remette à niveau le réseau d'alimentation en eau. C'est à saluer ! Mais encore faut-il rétablir la voirie et dans les délais, sinon, on aurait réglé un problème pour en créer un autre», regrette le gérant d'une entreprise de services sur l'avenue Sidi Chahmi. Faute, donc, d'une prise en charge par les concessionnaires de réseaux, et leurs sous-traitants respectifs, de la remise en état de la voirie endommagée, c'est «l'Etat» lui-même qui s'en occupe, pour ne pas dire qui «paie les pots cassés». Y aura-t-il en fin de circuit une facturation du coût de l'opération au nom de l'opérateur contrevenant ? Ainsi, l'on saura de source autorisée que la commune d'Oran et la direction des Travaux publics (DTP) vont prendre en charge conjointement un programme, doté d'une enveloppe de 20 milliards de centimes, sous forme d'une subvention de la wilaya, qui consiste en la réfection de la voirie endommagée au niveau de 9 secteurs urbains. Les axes d'intervention ont été déjà ciblés, donnant lieu à une consistance de 80 artères principales à travers le territoire visé d'Oran-ville. Le centre-ville se taille la part du lion de ce programme, qui consiste en le décapage et le revêtement de la chaussée en béton bitumeux. Parallèlement à ces travaux, qui vont démarrer vers la mi-janvier, et dont les entreprises de réalisation ont été déjà sélectionnées par la DTP, la commune d'Oran, par le biais de la DVC, s'attelle à réparer quotidiennement les nids-de-poule et autres tranchées par une moyenne de 5.000 tonnes d'enrobée. Il faut noter que l'entretien et la remise en état de la voirie figuraient en tête de l'ordre du jour du conseil de l'exécutif local, tenu il y a une dizaine de jours à l'hémicycle. «Inscrivez les nids-de-poule et les tranchées sur votre tableau de bord. Je veux une prise en charge substantielle de l'entretien de la voirie», avait instruit Abdelghani Zâalane les neuf chefs de daïra. On s'en souvient, le wali avait, peu de temps après sa prise de fonctions à Oran, consacré une longue réunion à la problématique de la non-remise en état de la voirie par les concessionnaires de réseaux, à l'encontre desquels il avait brandi la menace de l'action en justice, visant les contrevenants en tant que personnes physiques, concernant les dispositions réglementaires et légales relatives à l'intervention sur la voirie (Ndlr: le décret exécutif N°04-392 du 1er décembre 2004, relatif à la permission de voirie), notamment celles ayant trait à la remise en état de la voirie. Plusieurs mois après, il semble a priori que les opérateurs Sonelgaz, Seor et Algérie Télécom n'ont pas appris la leçon au regard des cas de «récidive» qui se comptent par centaines à travers le réseau routier communal, départemental et même national.