Des affrontements entre protestataires et forces de l'ordre ont éclaté après la prière d'El Asr hier à Alger, devant le siège du parlement. La marche organisée après la prière du vendredi pour dénoncer les caricatures du prophète Mohamed a failli tourner au drame. La situation a dégénéré après que certains manifestants ont tenté de forcer le cordon sécuritaire imposé par les éléments anti-émeutes, positionnés en force tout le long de Zighout Youcef. Des jeunes chauffés à blanc ont oublié la raison principale de la marche, en tentant de forcer le cordon sécuritaire qui les empêchait de marcher sur le boulevard ou de s'approcher des édifices publics. L'obstination des manifestants a poussé les policiers à utiliser des bombes lacrymogènes, des tirs de balles en caoutchouc pour disperser les protestataires qui refusaient d'emprunter d'autres ruelles. Une image désolante, des jets de pierres, de sacs d'ordures et des bouteilles d'eau sur les éléments de la police. Des manifestants s'en sont pris à des voitures en stationnement en les saccageant. Ils ont également saccagé l'agence d'Air Algérie, les vitres de l'Hôtel Safir et ceux du parlement. Les policiers sont arrivés vers les coups de 16h30 à repousser les manifestants. La marche dans d'autres quartiers a eu lieu en rangs dispersés, des fidèles sortis des mosquées, des jeunes, des familles entières ont marché pour dénoncer «les atteintes aux religions», des atteintes contre l'islam et pour dire « Je suis Mohamed » ou « Nous sommes tous Mohamed ». Les forces de l'ordre présentes en force à Alger ont usé de tous les moyens pour contenir la foule en les scindant en groupes et en les poussant à marcher dans les différentes ruelles. Ceux qui sont arrivés des mosquées de Belouizdad se sont rassemblés à la place du 1er Mai. Il scandé «Allah Akbar», «Nous sommes tous Mohamed» et «Palestine chouhada». Les manifestants ont brandi l'emblème national et le drapeau palestinien. Sur des pancartes, «Je ne suis pas Charlie» mais «Je suis Mohamed» Certains jeunes qui se sont mêlés à la foule et qui semblaient un peu excités ont tenté de temps à autre de détourner cette marche vers d'autres revendications en citant l'état de santé de Bouteflika. D'autres habitants qui se sont mis à l'écart ont affirmé que « si on veut soutenir notre prophète, on doit suivre la voie de la sagesse, on doit se comporter comme de bons musulmans, pour redonner à l'islam sa véritable image ». A Oran, aucun incident n'a été enregistré. Des centaines de manifestants ont carrément pris d'assaut hier la place du 1er Novembre 1954, au centre-ville, juste après la prière du vendredi, pour manifester leur amour au prophète Mohamed et dénoncer les amalgames faits en Occident entre islam et terrorisme. La publication mercredi dernier d'un nouveau numéro du journal satirique français « Charlie Hebdo » avec une nouvelle Une, encore une fois, controversée, a créé un véritable tollé sur la toile dz, où l'on dénonce cet acharnement contre l'islam et son prophète sous couvert du principe de la liberté d'expression. Descendre à la rue pour manifester son soutien au prophète est devenu ces derniers jours une véritable revendication populaire, notamment sur les réseaux sociaux où de multiples appels ont été lancés. Même les prêches du vendredi ont eu pour thème hier la personnalité du prophète Mohamed et les valeurs de paix et de tolérance de son message. Le rassemblement d'hier à Oran, encadré par des associations locales de la société civile, a regroupé des participants de diverses sensibilités. Des islamistes, mais aussi de simples citoyens, sans couleur politique particulière, ont, en effet, tenu à dénoncer ce qu'ils qualifient « d'entreprise méthodique » visant à « diaboliser l'islam et les musulmans » en France et en Occident en général et à « entretenir le racisme, la xénophobie et l'islamophobie ». Le rassemblement d'Oran a été encadré par des jeunes militants du bureau d'Oran de l'Association algérienne des jeunes intellectuels, de l'Association « Kafil El Yatim » (association de prise en charge des orphelins) et les Scouts musulmans, entre autres. Le meeting s'est déroulé en présence d'un important dispositif de sécurité chargé, en premier lieu, de réguler la circulation automobile au niveau de la place du 1er Novembre. A Constantine, ils étaient peu nombreux les fidèles à se rassembler, hier, à leur sortie des mosquées après la prière du vendredi. Une centaine, tout au plus, ont observé un sit-in au centre-ville, en face du centre culturel Med Laïd Al Khalifa, brandissant de larges banderoles où l'on pouvait lire «Touche pas à mon prophète », «Je ne suis pas Charlie », « Je ne suis pas terroriste », « Nous sommes tous Mohamed ». Certains parmi la foule criaient « Allah Akbar ». Puis, les manifestants se sont dispersés dans le calme dans différentes directions. Cela aura duré l'espace de quelques minutes, passant presque inaperçu, alors qu'on s'attendait à une marche massive à partir de la mosquée Emir Abdelkader, grand lieu de rassemblement des fidèles durant la prière du vendredi. Les imams, mis à part un prêche officiel consacré à l'évènement, n'ont pas incité de leur côté les gens à manifester publiquement leur rejet des stigmatisations et des amalgames qu'on fabrique en Occident pour confondre religion musulmane et terrorisme, et pour justifier leur liberté d'expression en caricaturant l'image du prophète Mohamed (QSSL). « La tutelle n'a pas donné des orientations dans ce sens », nous dira hier un responsable du secteur.