Au dix-septième jour du procès en appel de l'affaire Khalifa Bank, l'administrateur désigné pour diriger Khalifa Bank après la découverte des irrégularités, M. Mohamed Djellab, a été appelé à la barre pour apporter son témoignage et éclairer le tribunal sur la situation dans laquelle il a trouvé la banque. Il a fallu toute la matinée pour l'entendre par le président et aux avocats pour lui poser des questions. Il a appris au tribunal que lorsqu'il a pris les choses en mains, la situation au niveau de la banque était très complexe puisqu'il n'y avait pas de traçabilité des mouvements de fonds. Mais malgré cela, M. Djellab affirme qu'il a quand même réussi à démêler l'écheveau avec beaucoup de difficultés, surtout que la plupart des responsables étaient absents de même que de nombreux documents relatifs à la traçabilité des mouvements de fonds. Le témoin rappelle que sa mission principale en tant qu'administrateur était de trouver un équilibre financier pouvant remettre la banque sur pied, mais il découvrit que la banque n'avait, à cette époque, qu'un fonds de 170 milliards de dinars et que la plupart des prêts étaient portés sur comptes d'ordre sans aucune traçabilité. Il précisa que la majorité des fonds portés sur les comptes d'ordre étaient des crédits accordés à Khalifa Airways, sans aucun document prouvant sa traçabilité. Essayant de redonner un second souffle à la banque pour redémarrer, il entreprit de limiter les retraits aux petits déposants et en plafonnant de manière très importante le retrait des gros déposants. M. Djellab affirma que la situation de la banque avait déjà commencé à connaître des difficultés depuis le mois de novembre 2002, au moment où les clients de Khalifa Bank ont commencé à retirer leur argent en masse, 12 milliards de dinars ayant été retirés en un mois seulement. Le témoin déclare qu'il n'a trouvé que la somme de 20 milliards de dinars à la caisse principale. Et c'est en épluchant la comptabilité de la caisse principale qu'un trou de 3,2 milliards de dinars a été découvert, affirme-t-il. M. Djellab convoque alors une assemblée générale des actionnaires pour leur faire part de la situation et voir s'ils peuvent procéder à la recapitalisation de la banque, mais ils expliquèrent qu'ils ne pouvaient pas réaliser cette opération. L'administrateur a alors établi un rapport détaillé sur la banque et proposé qu'elle soit ou bien recapitalisée à partir de fonds qui restent à trouver ou mise en liquidation. Le conseil de la monnaie et du crédit a opté pour cette option et un liquidateur, M. Badsi, a été désigné. Le même témoin rappelle que c'était la solution idéale car le ratio de solvabilité de Khalifa Bank est descendu à -25 % alors que la réglementation le prévoit à partir de +20 %. Lors de son intervention, un avocat de la défense de Khalifa tenta de faire reconnaître à M. Djellab que la banque aurait pu être sauvée s'il n'avait pas procédé au blocage des comptes de Khalifa Airways et de Khalifa Constructions. Il déclare en effet que ces deux filiales, et les autres, auraient pu continuer à fonctionner et il prend l'exemple de Khalifa Airways qui avait acheté des avions en leasing et qui avait déjà payé 60 % de leur valeur, qui ont d'ailleurs été repris par les avionneurs. L'administrateur de Khalifa Bank lui répondit que l'argent appartenait à Khalifa Bank et Khalifa Airways ne pouvait en aucun cas l'utiliser. Il précisa aussi que Khalifa Bank n'était en rien responsable de la gestion de Khalifa Airways ou d'une autre filiale, d'ailleurs Khalifa Airways avait déjà bénéficié de plus de 60 % du capital de la banque, ce qui est tout à fait contraire à la réglementation. L'avocat de la défense demande au président s'il voulait autoriser Abdelmoumen Khalifa à prendre la parole et le président, Antar Menouar, répondit par l'affirmative. Khalifa demanda alors à M. Djellab comment il avait pu obtenir des chiffres aussi précis sans avoir de commissaires aux comptes. L'administrateur lui rappelle qu'il avait procédé à la désignation de commissaires aux comptes, d'experts, dont certains étaient indépendants et de spécialistes qui ont inspecté la comptabilité et établi des rapports complets. Après M. Djellab, c'est M. Agaoua Madjid qui a été appelé à la barre et qui a annoncé qu'il était inspecteur à Khalifa Bank et qu'en 2000, il a été empêché d'inspecter la caisse principale de Cheraga après qu'il a reçu un coup de téléphone de M. Aloui et il apprit par la suite que l'ordre de l'empêcher d'inspecter la caisse principale venait d'en haut. Le témoin continua de travailler au sein de Khalifa Bank jusqu'au mois de mars 2003, date à laquelle il lui fut demandé d'intégrer l'équipe d'inspecteurs désignée par l'administrateur. Et c'est ainsi que le témoin put enfin accéder aux documents de la caisse principale pour conduire son inspection sans que personne ne l'en empêche. Au cours de l'inspection, ils découvrirent le trou de 3,2 milliards de dinars qu'Akli avait tenté de maquiller en utilisant des écritures entre sièges mais sans aucun justificatif.