Nous sommes dans une île. Un beau paysage. Une nature éblouissante mais dans ce paradis, il y a un malaise. Des gens qui souffrent de l'intérieur. Pourtant, ils ne sont pas pauvres. Ils ont des maisons bien construites. Ils possèdent des terres pour certains d'entre eux. Une bonne situation. Mais un mal les ronge. Cette île, c'est la nouvelle Calédonie et plus précisément, Nessadiou, appelée aussi la vallée des Arabes. Ces gens qu'on nous présente dans ce film documentaire, « La Calédonie L'exile noir », réalisé par l'algérien Abdelkader Mam en 2013, sont les déscendants des Algériens exilés en nouvelle Calédonie à l'époque coloniale qui racontent leur soufrance, leur chagrin de n'avoir jamais connu le pays de leur ancestres et pour beaucoup d'entre eux, n'ont jamais mis les pieds en Algérie. Parmi le public, le sujet ne laissera personne indifférent. Des témoignages vivants sortant du cœur d'une communauté perdue dans un pays qui n'est pas le sien et dans lequel ils se sentent dépaysés malgré qu'ils soient nés là-bas. Lucette, l'algérienne qui porte un prénom français pour mieux s'intégrer dans la communauté et pouvoir travailler. Tayeb El Ifa, c'est le maire de la commune de Bourail qui a repris son nom d'origine après une galère. Il raconte dans le documentaire que son retour en Algérie, dans la wilaya de Sétif exactement, n'a pas été facile. Il voulait avoir le passeport algérien et il a dû se confronter aux déboires de l'administration. « Pour avoir un papier », dira-t-il dans ce film documentaire, j'ai dû faire cinq aller et retour dans cette administration et je me suis dit qu'en Algérie, il y a du boulot à faire dans l'administration ». Il y a aussi la famille Bouchnakh qui possède des terres à Nessadiou et qui a même fait don de parcelles de terrains pour la construction d'une école et d'un cimetière pour les Algériens. Le fils de Bouchnakh ne rêve que d'une chose avant de mourir. Voir se construire la maison des Algériens en Calédonie. D'autres descendants des exilés algériens sont fiers d'appartenir à ce pays l'Algérie malgré les 21 000 km qui les séparent. Ils parlent de leur pays d'origine comme s'ils avaient toujours vécu là-bas. Ils sont malheureux parce qu'ils sentent que le colonialisme leur a volé leur identité, leur racine et leur raison d'être. Ils racontent la souffrance de leurs grands parents de vivre dans un pays étranger et lointain. Ils rêvent de retrouver les traces de leurs familles pour pouvoir y retourner. Durant 45 minutes, le réalisateur a résumé la vie des exilés, leur peine et a fait passer le message sur la nécessité d'aider cette communauté à retrouver ses racines et son identité perdue. Abdelkader Mam a choisi ce créneau du film documentaire pour parler des populations laissées pour compte. Il a déjà réalisé un film documentaire sur les essais nucléaires causés par le colonialisme français et un autre sur « l'Algérie aux saveurs multiples » qui raconte l'histoire de l'Algérie avec sa diversité et son union. Dans le documentaire sur la Calédonie, ce réalisateur, ancien journaliste qui a créé sa société de production « des faits pour les médias », a réussi son coup en touchant la fibre sensible des téléspectateurs et en rendant l'affaire des exilés une affaire internationale. Certes, il n'est pas le premier à avoir abordé ce sujet puisque la télévision algérienne a déjà apporté des témoignages de cette communauté délaissée, mais il a apporté une touche personnelle en donnant l'occasion à ces acteurs réels de parler de leur vie actuelle, des difficultés d'intégration après toutes ces années passées en Calédonie et de leurs revendications pour retrouver cette paix intérieure qu'ils n'ont jamais connue. Selon le réalisateur, ce film a été sélectionné pour participer dans le 10ème festival d'El Jazira parmi les 161 films retenus. Bien qu'il n'ait pas obtenu un prix, il a pu capter une audience avec des applaudissements. Il dira, « le documentaire est une enquête dans l'âme de l'Algérien Calédonien actuel, ses problèmes et la tragédie qu'il a vécue ». Sur le plan technique, le film est visuellement reposant. L'image est dominée par des couleurs de la nature. Pas besoin de monter un décor. Les personnages ont été filmés dans leur milieu naturel. Leurs maisons ou leur lieu de rencontre tel que le cimetière, la mosquée Pour accompagner cette image, une musique du bled, purement algérienne, pour donner au documentaire tout son sens. Peu d'images d'archives. Le réalisateur a affirmé, lors des débats, qu'il a axé son documentaire sur des témoignages avec quelques clichés sur l'époque coloniale. Le documentaire est émouvant. Le public est ressorti ému et profondément touché de voir ces femmes et hommes pleurer devant la caméra et n'exprimant qu'un souhait : voir leur pays, le pays de leurs ancètres. Le documentaire n'a pas reçu de subvention pour sa réalisation. M. Abdelkader Mam a tenu à préciser un point sur sa production en affirmant qu'El Jazira a participé dans sa coproduction, une fois réalisé. Comme dernier message, Abdelkader Mam a insisté sur la culture de la documentation qu'il faut développer à tous les niveaux pour préserver la mémoire.