Ce n'est pas une opération humanitaire pour secourir des migrants, mais pour lutter contre les passeurs», le message a le mérite d'être aussi clair que les eaux de la Méditerranée, source de tous les dangers pour l'Europe. En absence d'un mandat international pour intervenir par la force dans les eaux libyennes, l'Europe se prépare «à aller plus loin», pour reprendre l'expression menaçante d'un diplomate européen. Le déploiement d'une force européenne dissuasive en Méditerranée, dans un premier temps, a pour mission de s'attaquer aux réseaux criminels de passeurs de migrants. Le plan opérationnel de «EU Navfor Med», traduit sommairement par «navires de l'UE pour la Méditerranée», sera dirigé par un amiral italien et s'appuiera sur assez de frégates, de sous-marins, d'hélicoptères, d'avions patrouilleurs et de drones pour quadriller, dans moins d'une semaine, le sud de la Méditerranée. Si le moteur d'action paraît à priori humanitaire, l'UE promettant d'agir fin avril après une énième tragédie en mer méditerranéenne dans laquelle 800 migrants sont morts noyés au large de la Libye après le chavirement de leur chalutier, on est pourtant loin des sentiments philanthropiques. L'Europe veut coûte que coûte endiguer ces flots de réfugiés débarqués en terre sicilienne et venus principalement d'Irak, de Syrie, de Libye, de Tunisie et d'autres pays africains. La marine européenne a pour mission première de s'attaquer aux bateaux-pilotes utilisés par les trafiquants pour tracter en haute mer les migrants avant de les laisser dériver, mais en l'absence d'un feu vert du Conseil de sécurité des Nations unies à l'usage de la force dans les eaux libyennes, l'opération sera limitée à une surveillance à distance des côtes, véritables rampes de lancement de la grande majorité des migrants qui tentent de gagner l'Italie. L'objectif pour le moment étant d'améliorer la base de données concernant les réseaux de passeurs. Mais avec le déploiement de cette force navale et la multiplication des bâtiments militaires, l'Europe craint de créer une brèche où vont s'engouffrer de plus en plus de migrants. Les navires patrouillant en haute mer sont dans l'obligation de secourir les embarcations en détresse et de déposer les naufragés en Italie. Outre l'aspect criminel et économique de cette tragédie ainsi que l'accueil des réfugiés, Bruxelles appréhende surtout l'infiltration des hommes de Daech parmi ces flots de déshérités. Des terroristes qui peuvent ainsi se retrouver sur le sol européen et constituer à la longue de parfaits agents dormants. Quelques chiffres pour rappeler la dimension dramatique de ces traversées: en 2014, quelque 218.000 migrants avaient tenté de traverser la Méditerranée. Au moins 3.500 d'entre eux avaient trouvé la mort, faisant de ce trajet «la route la plus mortelle du monde», selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Depuis le début de l'année en cours, près de 1.800 personnes sont mortes dans des naufrages en Méditerranée dont une grande majorité d'Africains, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM).