Ce texte de loi était très attendu car, depuis la promulgation de la Convention internationale des droits de l'enfant par les Nations unies en 1989 et son adoption par notre pays en 1992, il était urgent de mettre en conformité nos lois nationales avec cette convention. L'Algérie dispose en effet d'un grand nombre de textes législatifs consacrés aux enfants, le non spécialiste s'y perd. La nouvelle loi sur la protection de l'enfance, qui comprend 150 articles et six chapitres, répond-elle à cette attente ? A la Forem, nous avons toujours réclamé un Code de l'enfance, c'est-à-dire une loi mère qui engloberait tous les problèmes de l'enfance. La nouvelle loi ne répond donc que très partiellement à notre attente. Ses points forts sont à trois niveaux : -donne un certain nombre de définitions : comme celle de l'âge de l'enfant (tout être humain dont l'âge est inférieur à 18 ans), droits de l'enfant handicapé, consécration de l'intérêt supérieur de l'enfant, rôle de la famille, détermination des cas où l'enfant est exposé au danger ; de l'enfant en danger ; de l'enfant délinquant ; de l'enfant réfugié (10 articles) -met en place un organe national de la protection et de la promotion de l'enfance auprès du Premier ministre, il est présidé par un délégué national à la protection de l'enfance (10 articles) -confie la protection sociale au niveau local aux services du milieu ouvert en coordination avec les autres services existants (10 articles) Ces trois aspects sont considérés comme des nouveautés attendues. La définition de certains principes comme l'âge de l'enfant est nécessaire car jusque-là il existait une certaine cacophonie dans les textes. Il était donc impératif de s'aligner sur la Convention internationale des droits de l'enfant. Ces principes auraient cependant gagné à être enrichis de leurs mécanismes de prise en charge et ne pas faire l'objet simplement d'une définition. Pour ce qui est de la création du poste de délégué à la protection de l'enfance et d'une structure de protection et de la promotion de l'enfance rattachée au Premier ministre, ces deux demandes constituaient une demande unanime de la société civile. La nouvelle loi ne donne pas beaucoup de prérogatives au délégué, ses démarches sont 'bureaucratisées'', ainsi au lieu de saisir directement le procureur de la République en cas d'atteinte aux droits de l'enfant, il est obligé de saisir le ministre de la Justice à qui échoit cette mission La nouvelle loi consacre les services du milieu ouvert ou SOEMO créés par ordonnance n° 75-64 du 26 septembre 1975. Ces services ont été transformés par arrêté interministériel du 17 mars 1998 en bureaux d'insertion sociale et de suivi des jeunes en milieu ouvert, ce qui a beaucoup gêné leurs missions. Même dans ce cas très important la loi ne définit pas les mécanismes d'activité de ces milieux ouverts, comme par exemple comment informer les services de protection de l'enfance d'un cas de maltraitance ? Faut-il recourir à un numéro vert par exemple ? La même remarque peut être faite à propos des articles 46 et 47. Le premier a trait à l'agression sexuelle sur enfant, l'article est consacré à l'enregistrement audiovisuel de l'enfant au cours de son audition, la protection et la fin à réserver à l'enregistrement. Pour connaitre les modalités relatives à ce cas, il faut revenir au Code de procédures pénales alors que cette loi aurait dû reprendre ces dispositions ou les améliorer étant donné le peu de clarté de certaines d'entre elles. L'article 47 n'évoque que la possibilité de donner l'information sur une disparition d'enfant qui vient d'être constatée. On se souvient de la forte émotion produite par la série de disparitions de l'année 2013, la loi se devait de répondre à cette attente au moins en instituant un plan d'alerte enlèvement Le texte introduit la présence d'une psychologue lorsqu'il s'agit d'agression sexuelle (article 46) alors qu'il aurait été plus judicieux que cette présence existe à toutes les étapes de contact enfant-services de sécurité et enfant-services judiciaires. Une autre remarque concerne l'âge de discernement que le Code pénal a fixé à dix ans et que la Forem souhaite monter à 13 ans. La nouvelle loi est restée ambiguë sur le sujet. Dans l'article 2, à la définition de l'enfant délinquant, il est précisé que son âge ne peut être inférieur à dix ans. Dans l'article 24, les services du milieu ouvert à propos de l'existence d'une situation de danger, confèrent avec un enfant de treize ans au moins. Ce principe est repris dans l'article 48 : « l'enfant dont l'âge est inférieur à 13 ans présumé avoir commis ou tenté de commettre une infraction ne peut faire l'objet d'une garde à vue. » Les autres dossiers de l'enfance et ils sont nombreux : enfants X, maltraitances d'enfants, enfants handicapés, travail des enfants, enfants de la rue, enfants et toxicomanie, cybercriminalité et enfance n'ont pas été abordés par la nouvelle loi et il faudrait se contenter de se référer aux autres textes de loi lorsqu'il en existe. Le reste des articles de la nouvelle loi, de l'article 48 au dernier article 150, soit plus des deux tiers des articles, sont exclusivement consacrés à la délinquance juvénile et aux modalités de sa prise en charge à l'échelon judiciaire, ce qui, en résumé, peut être considéré comme un code de procédures pénales consacré à l'enfance délinquante. Ainsi, après plus de vingt ans d'attente, les associations engagées sur le terrain de la promotion et de la protection de l'enfance vont se contenter de travailler avec les aspects positifs apportés par la nouvelle loi en attendant un Code de l'enfance englobant tous les problèmes de l'enfance et leur prise en charge sur les plans de la prise en charge et de la prévention. *Pr - Président De La FOREM