En fin de journée de ce vendredi, une foule surexcitée de 600 personnes ont envahi le quartier populaire du Jardins de l'Empereur à Ajaccio, sur l'île française de Corse, pour crier vengeance. Dans la nuit de jeudi vers 00h30, selon la version officielle des autorités, un incendie avait été «volontairement» allumé dans cette cité, classée zone urbaine sensible ou quartier difficile, par «de nombreux jeunes encagoulés» pour attirer les forces de l'ordre et les pompiers dans «un guet-apens en leur jetant des projectiles et en s'en prenant directement» à eux, a expliqué le sous-préfet, François Lalanne. Bilan : deux pompiers «sérieusement» blessés par des éclats de verre après des «agressions physiques» et un policier «légèrement» blessé après l'intervention des forces de l'ordre. Sur la base des déclarations officielles, et dans l'après-midi de ce vendredi, quelque 150 personnes s'étaient d'abord rassemblées devant la préfecture d'Ajaccio pour dénoncer ces violences. Certains décident alors de monter jusqu'aux Jardins de l'Empereur, où se sont déroulés les heurts, sur les hauteurs de la ville. Une véritable descente qui regroupera environ 600 personnes scandant «Arabi fora» ou encore «On est chez nous», dans une ambiance particulièrement tendue, malgré la présence des policiers. Les manifestants ont affirmé vouloir identifier et retrouver les auteurs de l'agression de la veille. Le quartier plongé dans la terreur s'est vidé et ses habitants se sont cloîtrés chez eux. Selon le quotidien local «Corse Matin», les manifestants ont pénétré au hasard dans certains halls d'immeuble «pour y déloger les auteurs présumés de l'agression». Puis, un petit groupe a ensuite fracturé la porte vitrée d'une salle de prière musulmane située à proximité de la cité des Jardins de l'Empereur avant de la saccager. Ils en ont sorti de nombreux livres, dont des exemplaires du Coran, auxquels ils ont tenté de mettre le feu, sans parvenir toutefois à les brûler entièrement, raconte le titre corse. Un restaurant de kebabs a été également dégradé. Présent sur place, le préfet Christophe Mirmand a été pris à partie par des manifestants qui lui ont reproché de n'avoir rien fait au sein de ce quartier pour anticiper l'agression». Il déclarera à la presse que «tous les moyens» étaient mis en œuvre pour retrouver les auteurs des violences de jeudi soir, ajoutant que les «menaces» de vendredi, «n'étaient pas acceptables». Aux dernières nouvelles, le calme est revenu hier matin à Ajaccio, où de nombreux policiers ont été déployés après le saccage de la salle de prière qui a suscité une vague de condamnations dont celle du Premier ministre français Valls, qui a réagi sur tweeter, dénonçant l'agression des pompiers et la profanation d'un lieu de prière. De son côté, son ministre de l'Intérieur, Cazeneuve, a déclaré que «ces exactions intolérables, aux relents de racisme et de xénophobie, ne sauraient rester impunies». Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande mosquée de Paris, et tout en restant consensuel comme à ses habitudes, lancera un appel au « calme, au sang-froid et à l'apaisement». L'Observatoire national contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM) a, quant à lui, «condamné avec force» une agression «qui se déroule en un jour de prière pour les musulmans et pour les chrétiens». En dehors du gouvernement, peu de réactions ont été enregistrées par la classe politique française, comme regretté souvent par le président du CFCM, Abdallah Zekri. Cet acte islamophobe vient s'ajouter à la longue liste de ceux commis après les attentats du 13 novembre. D'après le Collectif contre l'islamophobie en France, 47 actes islamophobes ont été commis entre le 14 et le 23 novembre derniers, soit une augmentation de 261% en comparaison avec les dix jours qui ont précédé le vendredi noir de Paris. Entre profanations de mosquées, dégradations de commerce, tags islamophobes et agressions physiques visant généralement des femmes voilées, la France a retrouvé ses relents racistes, xénophobes et islamophobes devant un silence assourdissant de la classe politique et du gouvernement Valls, contrairement à janvier, où le gouvernement avait clairement pris position contre les actes islamophobes après l'attaque contre Charlie Hebdo.