«L'université a besoin d'un plan de sauvetage», a lancé d'emblée le coordinateur national du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), Abdelmalik Rahmani, considérant que «les mesures engagées sont d'ordre ponctuel et ne s'attaquent pas aux véritables problèmes qui rongent l'université». Joint au téléphone, hier, M. A. Rahmani a tiré la sonnette d'alarme à propos d'une dérive fatale de l'Enseignement supérieur, estimant qu' «il faut engager une concertation sérieuse entre la tutelle et les partenaires sociaux pour redresser la barre». Certes, dira-t-il, «il y a des rencontres entre les deux parties, mais les discussions restent superficielles et n'abordent pas les problèmes de fond», préconisant ainsi l'engagement d'un dialogue serein afin de faire sortir le secteur du bourbier dans lequel il s'enfonce inéluctablement. «Il y a un million 600 mille étudiants à l'université, soit près d'un million d'étudiants en plus de ce que comptent les deux pays voisins ensemble, l'Etat a consenti des investissements considérables en matière de réalisation d'infrastructures, le secteur occupe la 4e position sur le plan de la distribution des budgets, et d'autres considérations encore à énumérer sur le registre «positif» de l'université, hélas il n'y a pas que du positif si on veut vraiment voir les choses en face et corriger le parcours de l'enseignement supérieur», relève en toute franchise notre interlocuteur. A commencer par cette loi d'orientation de l'enseignement supérieur qui date de 2008, devenue caduque depuis la promulgation de la nouvelle Constitution, souligne le coordinateur du CNES. «La nouvelle Constitution donne clairement le caractère stratégique à l'Enseignement supérieur, au même titre que la Défense, et nous nous en réjouissons, il s'agit d'ailleurs d'une proposition que nous avons introduite lorsqu'on a été reçu à la présidence lors des discussions autour de l'enrichissement de la Constitution, chose qui exige l'engagement d'une profonde révision de la Loi d'orientation de l'Enseignement supérieur en concertation entre toutes les parties compétentes», estime notre interlocuteur. «Le secteur de l'Enseignement supérieur est classé stratégique, car considéré comme un levier du développement socioéconomique, d'où la nécessité de tracer une stratégie à la hauteur de cette ambition», ajoute-t-il, non sans se désoler à propos de «l'absence actuellement d'une stratégie digne de ce nom». Abordant le volet pédagogique, il le qualifiera de «parent pauvre» du secteur. Ajoutant dans ce sens que pour l'enseignant, le côté pédagogique n'étant pas considéré à sa juste valeur, toute «valorisation» socioprofessionnelle passe irrémédiablement par la recherche scientifique. «Cela a pour effet de démobiliser les enseignants dans l'encadrement des étudiants et l'acte de donner le savoir, et autre chose plus grave encore, cela pousse à l'absentéisme, en un mot cela donne forcément une qualité pédagogique médiocre», avoue M. A. Rahmani, alors même que tous les efforts doivent être concentrés sur l'amélioration de la qualité pédagogique. «Même pour le recrutement des enseignants il y a beaucoup à dire, car nous recrutons des diplômés mais pas d'enseignants universitaires dans le sens plein du terme», explique-t-il dans ce contexte. Reconnaissant qu'on parle d' «université médiocre», mais notre interlocuteur affirme que «l'université est capable de former de grandes compétences, pour peu qu'on s'attelle à prendre en charge les préoccupations socioprofessionnelles des enseignants, revoir le système d'évaluation, lui donner une meilleure visibilité, car il est très difficile de distinguer les compétences dans ce climat». Reconnaissant pour sa part qu'il est temps de passer de la quantité à la qualité, il soutiendra que «le pays a effectivement besoin d'une élite». Revenant au communiqué du bureau national du CNES, rendu public à l'issue de sa réunion du 28 août, dont les termes sont très sévères, notre interlocuteur estimera qu' «il s'agit plutôt d'un cri d'alarme en direction des pouvoirs publics. Dans ce communiqué le bureau national du CNES dénonce l'absence de dialogue et les abus de la tutelle qui, profitant de l'absence des enseignants lors des dernières vacances, a rendu des instructions visant la suppression des stages de formation de courte durée, l'équivalence entre les diplômes de Doctorat et le Doctorat LMD et la réduction du budget destiné à la recherche, sous l'argument de l'austérité, alors qu'il fallait prendre des décisions pour limiter la dilapidation des deniers publics qui sévit dans les universités». «Le ministère assume toutes les responsabilités dans ce sens, vu que nos propositions introduites dans le cadre des commissions mixtes n'ont pas été prises en considération. Aussi, le bureau national du CNES demande l'intervention du ministère pour rendre justice aux syndicalistes qui souffrent encore de l'abus des responsables locaux, et qui restent marginalisés malgré le fait que la commission paritaire les a rétablis dans leur droit». Par ailleurs, le communiqué en question annonce la tenue d'une réunion du bureau national le 30 septembre pour mettre en place les dispositions préparatoires du congrès du CNES.