Réuni, hier, en session ordinaire, à Alger, le Bureau politique de Talaie El Hourriyet et, dans un communiqué consacrant sa réunion présidée par le chef du parti, Ali Benflis, a fait un véritable check-up de la République pour ne pas dire son autopsie. Le parti qui avait boycotté les dernières législatives, rappelons-le, a passé en revue la situation politique, économique et sociale du pays et le moins qu'on puisse dire est que le constat est accablant aux yeux de ses partisans. A l'issue de ses travaux, le Bureau politique a adopté une déclaration où il interpelle sur la vacuité du pouvoir, un «vide durable au sommet de l'Etat» qui a conduit à «une impasse politique», explique le parti, qui à son tour a conduit à «un délitement sans précédent de l'ensemble de l'édifice institutionnel de la République». Pour le Bureau politique, les principales institutions de la République «apparaissent dans un état de délabrement avancé» avec «une institution présidentielle monopolisant les pouvoirs constitutionnels les plus déterminants mais ne les assumant pas», conjugué à un Parlement auquel «le désaveu massif du corps électoral le 4 mai 2017 a ôté toute légitimité» et un nouveau gouvernement «virtuel, semblable à ceux qui l'ont précédé ces dernières années». Une situation qui, selon ses membres, représente, «à l'heure actuelle, la principale menace à la pérennité de l'Etat national». Devançant les critiques de la majorité, Talaie El Hourriyet estime que nier cette réalité «c'est prendre le risque d'exposer notre pays à des lendemains tragiques». Le régime est nommément mis en cause et le communiqué de rappeler «l'incapacité des institutions politiques en place à se hisser à hauteur des défis pressants et complexes que notre pays se doit de relever», les accusant de maintenir l'Algérie «dans l'impasse politique, le désarment face à la crise économique qui s'aggrave et mettent en place tous les ingrédients de la déstabilisation sociale qui le menace». Le parti ne nourrit d'ailleurs aucun optimiste dans l'avenir sous l'ère de «ces institutions politiques en décomposition» auxquels une «responsabilité exclusive et directe dans les lendemains très peu rassurants» leur est incombée. Le document est revenu, également, sur la formation du nouveau gouvernement qui a eu le don d'«exposer sous les yeux choqués et incrédules» des Algériens «les nombreuses facettes de l'incurie, de la légèreté et de la désinvolture qui ont présidé à la constitution d'un exécutif censé rassurer et insuffler de la confiance quant à sa capacité de prendre les commandes de l'Etat par temps incertains et tourmentés». Une situation résultant, affirme encore la même source d'informations, «du comportement d'un régime politique qui a perdu le sens des réalités et qui n'a prise sur rien». Le parti va plus loin en s'interrogeant sur l'existence même d'un gouvernement en Algérie, alors que le président de ce parti a été chef de gouvernement en 2 000. «Peut-on, en effet, parler à bon droit d'un gouvernement effectif et opérationnel, lorsque le Conseil des ministres ne se réunit pas ou très peu ?», se questionne-t-on, en donnant comme référence les quatre fois où il s'est réuni, l'année dernière, et aucune sur l'ensemble du premier semestre 2017. Faisant le parallèle avec ce qui se passe ailleurs, il signale que ce gouvernement «virtuel» est à l'image du régime politique, tout aussi virtuel que lui. Le document s'interroge aussi sur la capacité d'action du gouvernement Tebboune qui «ne peut prétendre valablement gouverner avec un tel niveau de désaveu, de doute ou de défiance», faisant référence au taux de participation lors des législatives. Le parti s'alarme également de l'instabilité chronique qui règne dans les principaux secteurs censés pourvoir à la diversification de l'économie nationale. Changement de «six fois de titulaires pour le ministère de l'Agriculture et quatre fois pour les ministères de l'Energie, des Finances et du Tourisme, en trois ans», précise-t-on encore. «Une instabilité gouvernementale d'une telle ampleur est source d'incertitude et d'imprévisibilité et, partant, génératrice de découragement et même de dissuasion chez tous les partenaires, nationaux ou étrangers», analyse la formation de Benflis. Constatant le départ de l'intégralité de l'équipe économique de l'ancien exécutif, Talaie El Hourriyet se demande s'il ne s'agit pas là de la reconnaissance, quoique tardive, «de l'inanité du nouveau modèle de croissance économique» porté à bout de bras par le gouvernement Sellal et ses ministres. A travers ce réquisitoire sans complaisance, le parti estime que la formation du nouveau gouvernement n'est qu'«une nouvelle étape dans la stratégie de fuite en avant que le régime politique en place s'est donnée pour gagner du temps», sans se soucier «de celui qu'il fait perdre au pays à un moment ou l'impasse politique, la crise économique et les périls de la déstabilisation sociale exigent une prise en charge pressante et un traitement des plus urgents».