La forte hausse des prix du bois est devenue intenable pour les professionnels de la menuiserie et de l'ébénisterie. Les hausses spectaculaires des coûts de cette matière première, depuis juillet dernier, mettent de nombreux ateliers dans une situation d'incertitude. Si le recul de l'offre sur le marché local, en raison des restrictions des importations du bois, a enclenché des hausses de 100% de presque toutes les essences de bois, la spéculation semble mettre son grain de sel dans un marché sans régulation. Les professionnels montrent du doigt l'effet amplificateur de la spéculation excessive sur les prix du bois. Les effets de la hausse incontrôlable des prix du bois se font sentir en particulier par les menuisiers du bâtiment et les ateliers spécialisés dans les aménagements extérieurs et intérieurs en bois des chantiers (portes, fenêtres, placards, escaliers ). «Nombreux ateliers de menuiserie bâtiment, qui pullulaient dans les périphéries d'Oran, à l'exemple de Douar Boudjemaa, ont baissé rideaux. Les gérants de ces ateliers n'arrivent plus à supporter l'explosion des coûts de revient. Des menuisiers du bâtiment, qui s'étaient engagés avec des entrepreneurs dans les chantiers de logements et autres, ont déclaré faillite. Une porte en bois rouge qui coûtait au maximum 11.000 dinars revient aujourd'hui à 17.000 dinars, alors qu'une fenêtre 1,20x1,20, qui était facturée à 22.000 dinars, coûte désormais 35.000 dinars. Si vous êtes en contrat avec une entreprise étatique vous pourriez toujours bénéficier d'une réévaluation du marché, mais avec les entrepreneurs privés, la négociation tourne court. Des menuisiers en bâtiment ont perdu de l'argent dans les chantiers. Du coup, on ne prend plus de chantiers, on ne fabrique plus de fenêtres ni de portes en bois massif car ça coûte excessivement cher. Les portes qui sont actuellement sur le marché sont soit en bois de qualité médiocre appelé le six, c'est-à-dire le sixième choix ou en panneau de fibres de bois de densité moyenne (MDF)», témoigne ce menuisier. Et d'enchaîner: «On vivote péniblement pour gagner notre pain. On grignote sur nos marges bénéficiaires pour ne pas perdre nos clients. Le coût de revient des meubles a progressé. Une chambre à coucher en bois rouge revient au minimum à 15 millions de cts. Une chambre à coucher en MDF est cédée à 12 millions de cts. Un placard revient à 50.000 dinars. La flambée des prix dépasse tout entendement. Un madrier en bois rouge 15x76, qui coûtait entre 550 et 600 dinars, est cédé à 1.250 dinars, un panneau multiplié coûte entre 3.800 et 4.000 DA, une planche 15x27 est cédée à 450 dinars le mètre linéaire, alors que la planche en bois rouge 20x27 est à 550 dinars le mètre linéaire et un panneau de contreplaqué est à 1.250 dinars». Un autre professionnel affirme que de nombreux menuisiers ont abandonné définitivement le métier. «Les clients sont de plus en plus rares. La hausse des prix a poussé les gens à opter pour les meubles en MDF, moins coûteux. Le métier n'est plus rentable. On perd de l'argent à cause des nombreuses charges: loyers chers des ateliers, main-d'œuvre rare et coûteuse, électricité, cotisations, taxes », confie notre interlocuteur. Les professionnels interrogés estiment que cette flambée des prix du bois est l'œuvre de la rétention des stocks de bois. «Le créneau est contrôlé par de puissants commerçants. Ils ont constitué des stocks pour spéculer sur les cours. Nous sommes à la merci de cette mafia du bois», soutiennent nos interlocuteurs. Le renchérissement des prix du bois a ranimé le marché d'occasion des portes, fenêtres et meubles. Le bourg de Haï Nedjma (ex-Chteïbou), situé à un jet de pierre d'Oran, est la plaque tournante de ce marché florissant. On peut trouver ici de tout: meubles, portes, fenêtres, madriers pour coffrage ou autre, etc. Le marché de Chteïbou ne se limite pas uniquement aux articles d'occasion. Il y a aussi le «neuf» à des prix défiant toute concurrence. Le hic est que la qualité de ces produits neufs est suspecte. Des fenêtres en bois ignoble perméables à presque tout (eau, air, poussière ) sont proposées à des prix bon marché. Les restrictions des importations du bois ne pénalisent pas seulement les professionnels de la menuiserie et les entrepreneurs algériens. La filière bois en France a ainsi perdu au moins 100 millions d'euros durant le seul premier semestre 2017, selon un rapport du ministère de l'Agriculture français. Le gouvernement semble ainsi réussir son pari économique périlleux visant la compression de la demande sur certains produits de l'importation qui coûtent cher au Trésor public. Les restrictions des importations du bois auront pour effet une réorientation de la demande locale vers d'autres produits moins chers et en particulier le MDF, l'aluminium, le PVC et les coffrages en acier. Les professionnels de la filière bois sont aujourd'hui devant un impérieux dilemme: s'adapter ou disparaître.