J'aime le contact du bois. Travailler cette matière me rend heureux», s'enthousiasme Kheznadji Abdelmoumène, stagiaire au CFPA la Côte Blanche, à Haï El Badr (Alger). «Durant mon parcours professionnel, j'ai constaté que les femmes adorent l'odeur du vernis et la majorité des gens aiment celle du bois», atteste l'enseignant en menuiserie bâtiment. Ni ébéniste ni charpentier, le menuisier bâtiment fabrique et entretient les portes, les fenêtres et autres persiennes. «Une fois diplômé de cette formation, le travail est garanti à 100%», assure Alouache Abdelhalim. Avec les innombrables chantiers publics et privés engagés sur le territoire national et face au manque criant en matière de main-d'œuvre qualifiée, l'assurance de trouver un emploi dans le secteur semble évidente. Malgré cet avantage, les stagiaires ne se bousculent pas au portillon de la formation professionnelle en général et encore moins de la menuiserie bâtiment. «De 1995 à 2000, on comptait beaucoup de stagiaires dans cette spécialité. On recrutait carrément sur concours. Aujourd'hui, on peine à former une section», déplore Haroun Zouheir, le directeur du centre. Pourtant, la spécialité, très demandée sur le marché du travail, rapporte bien. «Une porte simple en bois rouge, fabriquée en deux jours, est facturée environ 16 000 DA. En hêtre, elle peut atteindre les 27 000 DA. Pour une fenêtre de 1,20 m sur 1,40 m, c'est 14 000 DA», nous apprend l'enseignant, en précisant que ce qui est cher c'est la matière première, c'est-à-dire le bois. Calmes, posés et très méticuleux, les stagiaires s'affairent à réaliser leur exercice du jour : des persiennes en bois sur lesquelles sont posées des étoiles d'Andalousie à huit branches. «La menuiserie est une activité dangereuse. Il faut être vraiment concentré sur son travail sinon on peut perdre les doigts, voire la main entière», avertit le professeur. En bon pédagogue, le directeur du CFPA confirme : «La menuiserie, c'est la seule spécialité du centre que je ménage à outrance. Jamais je ne fais de remarques désobligeantes ni à l'enseignant ni à ses stagiaires le matin. Je ne dois pas les énerver. Mes remontrances, je les fais en fin de journée. Car autrement, en état d'énervement ou de stress, ils peuvent facilement avoir un accident en manipulant les machines.» Et d'ajouter que les jour de match de championnat, il permet aux stagiaires de quitter le centre avant l'heure. «Pour ne pas qu'ils bâclent leur exercice afin de sortir précipitamment pour aller au stade, je les autorise à terminer plus tôt», plaisante-t-il. Toupie, scie raboteuse, scie circulaire, ponceuse à bande… les machines de coupure et de modelage du bois sont impressionnantes. «Dans cette spécialité, je leur enseigne la technologie, le calcul, le dessin industriel et je leur fais des travaux pratiques. Mais j'accorde un intérêt très particulier au module hygiène et sécurité. Les stagiaires doivent respecter à tout prix les consignes de sécurité pour les machines et dans l'atelier», affirme Alouache Abdelhalim. Comme dans tout métier, une fois ces règles appliquées et respectées, travailler le bois est un véritable plaisir. Tracer, découper, aligner et graver sur des madriers et autres plaques de cette matière noble sont des exercices précis et exaltants. Le mélange de l'odeur de la sciure et le son des machines à scier donne cette agréable sensation que seul un travail manuel procure. «C'est très apaisant de voir des jeunes travailler de leurs mains. C'est tellement rare et presque apaisant», s'enthousiasme le directeur du centre, en couvrant ses stagiaires d'un regard paternel. Mais ce goût de l'effort n'est pas partagé par tous. «Nos jeunes d'aujourd'hui préfèrent la facilité. Vendre un smartphone, s'ériger en gardien de parking sauvage ou aller à la quête d'une bonne affaire rapide et peu coûteuse en efforts, tel est leur quotidien. Ils ne veulent pas apprendre un métier pour avoir une vie stable et plus utile», regrette Haroun Zouheir. Pourtant, avec un investissement de 60 millions de centimes, de quoi acheter une machine «sept opérations», un artisan peut ouvrir son atelier, d'autant que les formules d'aide à la création d'entreprises ouvrent grand ses bras pour ce genre d'activité. «Si j'ai un message à transmettre, je m'adresserais aux parents. Les jeunes qui sortent du système scolaire sont souvent désorientés. Ils ne savent pas quoi faire. C'est aux parents de les orienter vers les CFPA et leur faire comprendre qu'avoir un métier, c'est important», insiste A. Alouache. Et au directeur de renchérir : «Mon défi n'est pas d'attirer tous les jeunes au CFPA. Mon plus grand challenge est de faire en sorte de rattraper des jeunes délinquants. Quand un jeune s'inscrit et suit une formation, je suis heureux», affirme Z. Haroun. Sous les regards de ses encadreurs, le jeune K. Abdelmoumène jubile : «J'aime ce métier auquel je me suis exercé dans un atelier du quartier. Je veux faire de la menuiserie et vivre de ce travail. C'est pour cela que je me suis inscrit au centre. Il me faut un diplôme pour satisfaire mon ambition...»