Le report de la prochaine élection présidentielle est-il entré dans sa phase active, est-il en train d'être acté ? C'est la question qui revient de plus en plus ces derniers jours au sein de la classe politique comme au sein de l'opinion publique. Car ce report, décidé à un moment crucial pour l'organisation de cette élection, dont la convocation du corps électoral, aurait pris des formes concrètes après la tenue hier, à la surprise générale, d'une réunion à la résidence d'Etat de Zeralda des chefs des quatre partis de l'alliance présidentielle. Cette réunion intervient au plus fort des appels à une conférence nationale du consensus, prélude à un report de l'élection d'avril prochain pour préparer dans les meilleures conditions politiques et sociales l'après-Bouteflika. Après les volte-faces des uns et des autres sur leurs intentions politiques, les partis de la majorité devaient sortir mercredi en fin de journée avec une décision importante: reporter, et confirmer la «continuité» en menant des réformes, avec probablement une légère révision de la Constitution, pour légitimer le contournement de la Constitution, ou tout simplement aller vers une élection présidentielle, pour rester dans la conformité, le respect de la légalité et de la loi fondamentale. Le chef de l'Etat, même avec une santé fragile, est capable de ramener le calme, et de rassurer autant l'opposition que les Algériens que le calendrier électoral sera respecté. Mais, au vu des manœuvres de ces derniers jours de certains chefs de parti de l'alliance présidentielle, un scénario inédit, impossible, «est possible». Celui qui voudrait que l'élection de 2019 ne se tienne pas, peu importera alors pour l'opposition et les tenants de la légalité constitutionnelle les différences sémantiques entre «report», «transition» et objectifs «d'une conférence nationale» pour l'approfondissement des réformes comme transition pour préparer l'après-Bouteflika. En fait, l'emballage de ce discours politique distillé au compte-goutte, mais à intervalles réguliers, ne trompe pas sur ses desseins inavoués, ceux de ne pas respecter les échéances électorales. Après, on pourra invoquer tout et n'importe quoi, car à ce moment-là, les dés seront jetés pour que le pays entre dans une nouvelle période d'incertitudes. A un moment où les défis s'accumulent : l'économie du pays stagne, le pétrole et le gaz ne sont plus rémunérateurs en l'absence de gros investissements et dans un marché en déclin face au recours de plus en plus massif au renouvelable, la demande sociale explose, le pouvoir d'achat chute, la grogne sociale monte, et, surtout, aucune embellie à l'horizon. La détérioration de tous les indicateurs de l'économie nationale, sa faible résilience aux défis et aux enjeux d'une mondialisation déshumanisée, et l'ampleur de la demande interne en termes d'équipements, de nourriture, d'énergie, de scolarité, font que le pays a un besoin urgent d'air, de redressement. Or, un report de l'élection présidentielle ne fera qu'aggraver la situation, dès lors que les grandes décisions ne seront pas prises, mais à la place une sorte de consensus national pour gérer la transition. Il n'y aura alors ni programme présidentiel à mettre en place et appliquer, encore moins une politique sociale adossée à des moyens conséquents, ni une politique économique agressive, dont l'objectif sera de faire passer au vert des indicateurs qui chauffent. Alors, question : que se passe-t-il vraiment dans «la maison Algérie» ? L'élection d'avril prochain est-elle vraiment devenue problématique ?