L'affaire de l'interpellation de l'avocat et militant des droits de l'Homme, Me Salah Dabouz, a mis à jour un nouveau scandale judiciaire dans lequel le ministère de la Justice ne tient pas le beau rôle. Et le « révélateur» de cet esclandre n'est autre que le procureur de la cour de justice de Ghardaïa qui a dénoncé un appel téléphonique de la part d'un cadre au ministère de la Justice lui enjoignant de libérer immédiatement Me Salah Dabouz. L'avocat avait été interpellé dimanche à Alger et transféré à Ghardaïa en vertu d'un mandat d'arrêt délivré à son encontre par les autorités judiciaires de la wilaya du sud. Selon le site TSA qui rapporte l'information en citant un communiqué émanant du procureur, le magistrat a rejeté la demande, qu'il a qualifiée d'inacceptable, en menaçant de poursuites judiciaires tous ceux qui interviendront dans cette affaire ou n'importe quelle autre affaire, et tenteraient de porter atteinte à l'autorité judiciaire qui n'est représentée que par le juge. Il a également expliqué que Salah Dabouz est, comme d'autres citoyens, poursuivi pour avoir éventuellement violé les dispositions du code pénal par ses déclarations, ses actes ou la diffusion de publications qui portent atteinte à l'intérêt national ou constituent une insulte à l'autorité judiciaire. Le procureur a ajouté que Me Dabouz a été arrêté et traduit en justice en tant que citoyen, le parquet étant en droit de le poursuivre et lui de se défendre avec toutes les garanties offertes par la loi. Le magistrat a, par ailleurs, estimé que, par leur appel à la grève en solidarité avec leur confrère - appel qu'il a dit comprendre - les avocats tentent de faire pression sur la justice et entraver son indépendance. Cette rare sortie d'un procureur, magistrat représentant du ministère public, a presque éclipsé l'interpellation de Me Salah Dabouz, qui a soulevé un tollé d'indignation dans la corporation des avocats. De même qu'elle a ravi la vedette au boycott des activités judiciaires auquel l'Union nationale des ordres des avocats avait appelé en réaction à l'arrestation : « c'est une arrestation arbitraire qui porte une grave atteinte aux droits de la défense et aux droits de l'Homme», ont ainsi affirmé les robes noires d'Oran en substance, au cours du sit-in hebdomadaire qu'ils ont tenu sur le perron du palais de justice. Tous ont estimé que ce qui était reproché à leur confrère ne méritait pas un mandat d'arrêt et un transfert : « une simple convocation aurait suffi pour qu'il se rende à Ghardaïa (...) Nous voulons instaurer un Etat de droit qui mettrait fin à ce genre de pratiques et à la justice rendue par téléphone», ont-ils, par ailleurs, plaidé, certains établissant un rapport direct entre cette interpellation et l'engagement de Salah Dabouz dans la révolte qui secoue l'Algérie depuis près de deux mois. Pour rappel, Salah Dabouz avait été interpellé dimanche devant son cabinet à Alger et transféré à Ghardaïa où un mandat d'arrêt avait été délivré contre lui par le procureur général. Présenté devant le juge le lendemain matin, il a finalement été placé sous contrôle judiciaire et remis en liberté. Pour le moment, le ministère de la Justice ne semble pas avoir réagi à la protestation véhémente du magistrat de Ghardaïa.