La chaîne des principaux acteurs du médicament dégage un bruit pour le moins désagréable, voire un craquement qui risque de faire sauter tout le mécanisme des liens unis au service du malade. Des liens désunis seraient au service de qui, alors ? Certainement pas en faveur du malade, qui risque au bout de la chaîne, de payer les frais de cette brouille où il devient, au fil du temps, de plus en plus difficile de retrouver le bout du fil. Les représentants des officines pharmaceutiques, dernier chaînon au contact direct avec les patients, reviennent à la charge cycliquement pour dénoncer les ruptures endémiques de certains médicaments, plus de 300 produits et la liste risque de s'allonger encore. A ce stade, personne ne peut leur en vouloir de tirer la sonnette d'alarme dans ce contexte. Ces derniers jours, les pharmaciens, soutenus par le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (SNAPO), s'en sont pris aux distributeurs de médicaments, lançant des appels à la grève et au boycott des commandes. Cette méthode adoptée par les pharmaciens pour élever des protestations, face à cette situation, dramatique dans des cas de manque de médicaments vitaux notamment, ne semble pas faire l'unanimité au sein des autres acteurs professionnels investis dans le même créneau. A commencer par le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens (CNOP), très proche pourtant des préoccupations des pharmaciens, mais qui « condamne sans réserve » les agissements et déclarations du SNAPO, qui à « défaut de propositions constructives pour améliorer la situation de notre profession et la préservation de la santé de nos concitoyens, s'isole de l'ensemble de la profession et verse dans des polémiques », considère-t-on. Ainsi que les distributeurs, eux-mêmes, qui s'inscrivent en faux contre la protesta des pharmaciens d'officines. L'Association des distributeurs pharmaceutiques algériens (Adpha) estime que le SNAPO se trompe de cible, précisant que les problèmes à l'origine du dérèglement de la distribution des médicaments se trouvent en amont (retards des autorisations de programmes d'importation, limites du système d'enregistrement, gestion des interdictions d'importation, absence d'un système d'information) et non l'inverse ». Et, il y a surtout le désaccord entre les uns et les autres autour des médicaments en rupture de stock. Quand le SNAPO parle de 335 médicaments qui manquent chez les pharmaciens, l'ADPHA, pour sa part, conteste ce chiffre et affirme que le manque ne touche qu'une vingtaine de médicaments. Qui dit vrai, qui dit faux ? Une cacophonie où se heurtent des intérêts occultes, révélant au grand jour une grave inimitié entre ces acteurs du médicament, et donnant lieu à des coups à l'emporte-pièce. Cela mériterait de déclencher une enquête pour clarifier la situation et expliquer, s'il y a lieu, le pourquoi de ces constats contradictoires entre le SNAPO et l'ADPHA. C'est de la responsabilité des pouvoirs publics, qui ne peuvent pas ne pas avoir leur petite idée sur les tenants et aboutissants de ces conflits. Mais, le ministère de l'Industrie pharmaceutique laisse encore planer la confusion en appelant l'ensemble des acteurs concernés à se « démarquer des manipulateurs d'opinion » et des actions visant à fragiliser la disponibilité des médicaments. Ces manipulateurs d'opinion qui « visent à installer un climat d'instabilité et d'inquiétude », selon les termes du ministère de l'Industrie pharmaceutique, sont-ils connus, et si oui, pourquoi ne pas crever l'abcès ?