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60e anniversaire de l'indépendance: Le FFS appelle à «restaurer la confiance»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 07 - 2022

Lettre ouverte à José Gonzales, pied-noir, député, doyen de l'Assemblée nationale française qui y a prononcé un discours nostalgique pleurant son passé
• Monsieur Gonzales
Je suis un fils de cette Algérie que vous évoquiez en versant des larmes pour le bon vieux temps, des larmes qui, à votre âge, auraient dû être celles du repentir et du pardon à un peuple meurtri pendant un siècle et demi par la plus cruelle et la plus inhumaine des colonisations. Et je vais vous dire pourquoi nous vous demandons ce minimum de décence, aujourd'hui, monsieur Gonzales.
D'abord, parce que vous êtes une personne âgée censée être gagnée par la sagesse, ensuite, parce que la terre que vous regrettez n'était pas la vôtre. Les Français, qui ne sont pas vos ancêtres puisque vous avez été rameuté après dans leur programme de peuplement, l'ont spoliée à ses légitimes propriétaires pour ramener tous les miséreux et aventuriers du monde pour la coloniser en repoussant les autochtones vers les montagnes et les terres arides. Inscrivant cette conquête dans un cadre d'illégalité et de criminalité international.
Et toute votre présence pendant ce siècle et demi a été bâtie sur ce socle trompeur, mouvant et hostile, marqué par de multiples et successives insurrections dont les plus connues sont celles d'El Mokrani, du Cheikh El Haddad, de l'Emir Abdelkader, du Cheikh Bouamama, du 8 Mai 1945 et du glorieux 1er Novembre 1954. Car, quoi de plus naturel, alors monsieur Gonzales, que de vouloir récupérer son bien légitime spolié et de protéger ses enfants. Aujourd'hui, à votre âge, noble chez nous, vous auriez dû regretter non pas égoïstement ce paradis perdu mais les crimes suivants :
- Les envahissements armés et violents de notre pays,
- les spoliations de biens d'autrui,
- les expropriations de terres d'autrui,
- les crimes de Bugeaud, diable Arnaud et autres criminels par des tueries, assassinats, viols, famines, enfumades de populations composées d'enfants, de femmes et de vieillards, innocents et sans armes,
- massacre de 45.000 civils dont les conscrits «indigènes» qui revenaient du front antinazi pour libérer la France le 8 mai 1945,
- mise en place d'un code de l'indigénat qui est un apartheid déguisé,
- planification d'un génocide, d'une «déculturation» par l'archevêque Lavigerie, les pères blancs et les sœurs blanches, et d'une déculturation par les famines et l'analphabétisme,
- tentatives de division en ethnies d'un peuple uni pendant des siècles pour mieux l'exploiter,
- création de deux collèges électoraux discriminatoires pour consolider le pouvoir des colons,
- utilisation du napalm contre des civils,
- création de camps de concentration par de Gaulle et l'enfermement d'un peuple par les lignes Challes et Morice,
- exécutions en série de combattants par la cruelle guillotine,
- tortures à la Gestapo et défenestrations de moudjahidine du haut des hélicoptères,
- politique de terre brûlée par la sinistre OAS,
- accueil glacial des populations de la métropole réservé à votre retour en 1962 car la plupart d'entre eux n'ont découvert la réalité coloniale que vous avez fait subir en Algérie qu'après 1958 avec le rappel de leurs enfants pour aller dans les djebels.
Dans votre discours de vieux crocodile, sauf votre respect d'homme âgé monsieur Gonzales, vous avez omis de dire qu'a côté de ces crimes et de cette abominable misère, dans vos quartiers européens bâtis pour votre usage, vous dansiez sous les airs du Boléro, tcha tcha tcha, réservant les corvées à la fatma et aux moh yewled et vous vous prélassiez sur les beaux rivages de la Méditerranée.
Et vous prétendiez alors, sûrs de l'armée de l'Indochine rapatriée pourtant humiliée à Dien Bien Phu par le grand Giap, que cette révolution naissante n'était que des «événements» qu'allaient vite réprimer de Gaulle appelé au secours et aidé par Massu, Bigeard et surtout les Aussaress.
Mais, surpris par la détermination farouche des braves combattants algériens, ce général a tout tenté pour garder l'Algérie française.
Mais en visionnaire, le général a compris que l'Histoire a pris sa revanche par la bravoure de ces moudjahidine algériens, fils et filles, nourris du sel de la terre de leurs ancêtres.
Et la liste de ces crimes reste très longue pour le travail des historiens.
Crimes que vous avez passés sous silence dans votre discours, monsieur Gonzales. Pour émouvoir un auditoire plus préoccupé par la configuration problématique de cette nouvelle Assemblée législative française que par les larmoiements d'un ancien colonisateur pour son éden perdu, en receleur... Pourtant, savez-vous que pendant que vous parliez des milliers d'âmes d'enfants, de femmes, de vieillards, de têtes sanguinolentes coupées par la guillotine, de brûlés par le napalm, de populations affamées par les colons, d'enfants cireurs, de fatmas vieillies avant l'âge, d'ouvriers, que dis-je, d'esclaves agricoles sous la cravache du colon, tournaient autour de vous et versaient leurs sang sur votre tête. Vous savez pourquoi vous ne les avez pas vu monsieur Gonzales ? Parce que vous vous imaginiez encore au bord de la mer sous un parasol et devant un pastis. Parce que vous vous imaginiez toujours en train de savourez dans votre insolente insouciance la paella importée dans vos bagages vers cette contrée poissonneuse.
Pourquoi, aussi, n'avez-vous pas dit à ces honorables députés que pendant ce temps-là, monsieur Gonzales, des enfants à côté mourraient de malnutrition, que l'analphabétisme était programmé, qu'un génocide à petit feu s'opérait juste en face dans les quartiers dits arabes et dans les douars.
Et qu'il a fallu la première balle en ce 1er Novembre 1954 pour vous réveiller progressivement de votre torpeur et réaliser qu'il y avait tout un peuple qui survivait à côté. Mais c'était trop tard, monsieur Gonzales.
Ni la paix des braves, ni les discours du général, tantôt menaçants, tantôt mielleux, ni le plan de Constantine, ni les parachutistes n'y pouvaient rien.
Vous deviez rentrer chez vous. Et vous ne deviez dans ce discours devant votre assemblée en tant qu'honorable doyen, ne vous en prendre qu'aux deux rois français Charles X et Louis Philippe et à Bugeaud et consorts de vous avoir trompés en vous logeant par effraction sur cette terre, en sachant que tôt ou tard la justice divine et /ou celle des hommes reprendra ses droits.
Monsieur Gonzales, en tant que pied-noir, vous devez savoir que chez nous, un vieillard est respecté quand il a l'esprit de son âge.
Quand il prend le sens de la vérité et n'adopte pas le mensonge.
Car, votre discours ressemblait étrangement à celui des béni oui oui du temps de papa et à celui de feu Borgeau symbole du colon et du colonialisme.
A vous écouter, les députés français se seraient cru remonter le temps pour se voir applaudissant en «députés du 1er collège repu», en «bons vieux colons» de la vigne et du blé et en «séniles bachaghas». Un discours qui faisait dire aux intervenants, comme vous aujourd'hui, à propos des «quand est-ce que vous reviendrez » ? Que les indigènes ne cessent de nous exprimer leur «joie et leur bonheur de vivre avec nous». Cynisme à l'état pur.
Un discours de «papa» qui ne regrette que les pastis sous le beau soleil, les paellas avec les bons vieux amis et les bals sans les bougnouls.
A votre âge, monsieur Gonzales, quand même, pas un mot sur la page sombre de vos méfaits et de vos mépris.
Mais un jour, tôt ou tard, vous serez monsieur Gonzales, vous et tous les autres, attendus là-bas dans le ciel par ces foules de pauvres êtres, affamés, morts enfumés, violés, assassinés parce qu'ils voulaient tout simplement vivre dans la dignité et qui vous reprocheront alors, à votre âge, votre manque d'humanité et votre falsification de l'histoire».
Alors, pour terminer, vous devez savoir traduire ce que l'ont dit ici chez nous aux vieillards qui abusent du respect qu'on leur doit : «ahchem essi Gonzales rak kbir».
Aujourd'hui, nous fêtons le 60e anniversaire de notre indépendance et l'Algérie renaissante forte de sa jeunesse aborde son avenir, confiante et sûre d'elle.
Ceci dit, sans rancune, car en grand peuple de martyrs sacrifiés depuis 1830, si nous tournons la page, nous n'oublierons pas.
Recevez monsieur Gonzales les salutations de l'Algérie éternelle, libre et indépendante.


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