Alors que s'est ouvert ce mercredi 10 juin le procès du meurtrier d'un professeur de l'université de Mostaganem, les responsables algériens de l'éducation espèrent qu'une nouvelle charte permettra de réduire le nombre de cas de violence à l'école et à l'université. L'assassinat d'un professeur par un étudiant en octobre 2008, qui avait profondément choqué les Algériens, et la mort d'un étudiant en droit à Tizi Ouzou le 29 avril, tué de plusieurs coups de couteau, ont suscité une réaction de la part des milieux de l'enseignement Estimant que ce phénomène est en hausse, la communauté universitaire a tiré la sonnette d'alarme et s'est unie pour définir les racines d'un problème qui concerne de nombreux aspects de la vie des Algériens. Une charte des universités est en cours d'élaboration au ministère de l'Education et au Conseil national de l'Enseignement supérieur (CNES) pour tenter de prévenir d'autres actes de violence. Cette nouvelle politique devrait être en place à temps pour le début de l'année scolaire et universitaire en octobre 2009. Cette charte comporte deux volets principaux : la lutte contre la violence et la coercition, et la liberté de l'exercice syndical. Sur la question de la violence et de la coercition, cette charte précise que les relations entre enseignants et étudiants ne doivent jamais dépasser le cadre universitaire. Toute autre forme de relation est strictement interdite. Le harcèlement, qu'il soit sexuel ou verbal, est également clairement défini et puni. Pratiquement, la sécurité sera renforcée dans les classes et les amphithéâtres. Le port d'armes blanches, retrouvées lors de plusieurs incidents violents, sera strictement interdit. Selon une enquête réalisée parmi les étudiants en 2008, 44 pour cent affirment avoir été fait l'objet de violences verbales au sein de l'université, 27 pour cent disent avoir connu une forme de harcèlement sexuel, et 33 pour cent avoir été agressés de manière autre que sexuelle. Les agresseurs sont des étudiants dans 60 pour cent des cas, mais les 40 pour cent restants ont été le fait de professeurs. Abdelma Rahmani, secrétaire général du Conseil national des enseignants de l'enseignement supérieur, a fait part à Magharebia de ses réserves concernant l'efficacité de cette charte. "La charte ne peut rien faire contre les racines réelles de la violence", explique-t-il. "Ce phénomène se débat au niveau de la société, seul espace en mesure d'analyser et de trouver des solutions." Pour lui, l'ouverture politique et culturelle et l'élargissement du champ des libertés au sein de la société peuvent contribuer au retour de la paix sur les campus universitaires. Il souligne l'importance de la réglementation des relations entre les diverses composantes de la communauté universitaire. "La charte prévoit que les relations entre enseignants et étudiants ne doivent jamais dépasser le strict cadre académique", explique-t-il, ajoutant que les règles qui régissent "les relations entre les professeurs et l'administration... doivent être respectées." Mme Hassiba, professeur de droit à Alger, partage cet avis. "La charte est importante dans la mesure où elle nous permet, à nous enseignants, de mieux cerner notre rôle à l'intérieur de l'université", explique-t-elle. "Il ne faut pas ignorer que parfois, l'enseignant se sent marginalisé au sein-même de sa maison qui est le campus universitaire." Articles liésLe professeur Abdelhamid Aberkane, président du conseil d'éthique de l'université d'Alger, a affirmé dans une déclaration à l'agence de presse algérienne que les actes de violence que l'on peut constater sur les campus sont un signe important de la "vulnérabilité" des universités, et de leur "incapacité à répondre aux problèmes auxquels elles sont confrontées". Sarah, une étudiante de l'université de Bab Ezzouar, où une jeune femme a été assassinée en 2007, ne cache pas sa peur d'être agressée. "Je pense qu'il faut intensifier les contrôles à l'entrée de l'université ; il n'est pas normal qu'un étudiant puisse accéder à l'enceinte avec un couteau dans son sac", affirme-t-elle à Magharebia. Karim, professeur à l'Institut des Sciences, de l'Information et de la Communication, se déclare pour sa part optimiste quant au rôle joué par la charte pour calmer les tensions entre enseignants et dirigeants de l'université. "Je vous en donne un exemple : nous avons été en grève pendant deux semaines. Mais l'administration n'a pris aucune mesure en faveur du dialogue avec les professeurs. C'est un dialogue de sourds entre eux. Cela crée une ambiance peu saine au sein de la communauté universitaire. Alors qu'elle devrait être un havre de paix, l'université est devenue dans certains cas un foyer de violence." Pour Anouar, chargé de cours à l'université de Bab Ezzouar, cette charte n'est pas essentielle. "L'université algérienne tire désormais les conséquences de nombreuses années de marginalisation. Comme d'autres secteurs, elle paye le prix de la décennie noire. Les enseignants, comme l'ensemble de la communauté universitaire, feraient bien de prendre les choses en main, afin de pouvoir jouer leur rôle premier d'instructeurs et de formateurs scientifiques", explique-t-il.