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Pourquoi cherche-t-on à saborder l'histoire du théâtre à Mostaganem ?
Publié dans Réflexion le 13 - 06 - 2015

Je voudrais revenir sur quelques points soulevés par la contribution de mon ami , M.Mohamed Meflah , intitulée « Mostaganem, un théâtre , un nom » , publiée en date du 03 juin dernier dans le journal Réflexion.
Décidément , l'histoire du théâtre à Mostaganem , continue de faire encore des remous , à l'endroit de la paternité d'unfestival de théâtre amateur , dont la ville s'enorgueillit d'avoir enfanté et d'abriter contre vents et marées et sans relâche depuis ...47 ans . L'article semble soulever - sous prétexte d'un désaccord sur le fait que l'on ait baptisé du nom de Mostefa Benabdelhlim le « nouveau théâtre » de la ville - une controverse , qui en vérité , n'a pas lieu d'être.
L'auteur estime en effet que cette dénomination a été faite « avec une simplicité faisant dans la bienveillance et l'ignorance du cheminement théâtral caractérisant cette ville ». Sur ce point , l'article a la particularité d'être clair et de ne pas faire dans la dentelle .
Dès l'énoncé , l'on devine un agacement doublé d'un désappointement au sujet d'une paternité que l'on croyait belle et bien tranchée depuis l'avènement d'un festival , dont la création s'était faite , rappelons le , du vivant même du dramaturge Ould Abderrahmane Kaki. La présidence de la commission du festival qui échut dès le départ à Djillali Benabdelhlim
-eu égard à son passé et à son expérience mais aussi parce qu'il en était quelque part le principal instigateur - ne donna lieu en son temps , à ce que je sache , à aucune réticence de la part des membres de l'honorable commission. Ce qui me pousse à me poser cette question bigrement existentielle : l'honorable cénacle du théâtre mostaganémois , s'était-il gouré quand il reconnut en la personne de Djillali Benabdelhlim,comme étant l'initiateur du festival ? Cette « distinction » relevait-elle uniquement d'un respect du à un droit d'ainesse ou était-ce par considération à un gabarit à la Orson Welles ? Ou ne traduisait-elle pas plutôt une reconnaissance pour l' effort colossal d'un homme qui aura investi ,fougue et enthousiasme , dans une manifestation qu'il voulait ressemblante au festival du théâtre populaire d'Avignon ?L'idée n'avait-elle pas germée en premier dans les tréfonds de Si Djillali , cet admirateur de Jean Vilar ? Il faut bien admettre que cette éventualité est la plus communément partagée , aussi bien par les professionnels du théâtre que par les rescapés de cette épopée , tels messieurs Ghali Elakeb et Bensaid Mekki.
Permets moi de te rappeler, bien respectueusement , que l'histoire, la vraie, ne se nourrit pas d'animosités . Dans ton écrit , l'on aura noté en effet un fort ressentiment à l'égard du regretté Djillali Benabdelhlim, que tu nommes du bout du menton « ce mostefa Ben Abdelhlim », et que tu sembles reléguer parmi ceux qui « ont subile théâtre » et qui aurait revêtu -par tromperie usurpatrice comme tu sembles l'insinuer- le costume du père fondateur d'un festival dont tu lui déni une quelconque participation dans son émergence . Afin de rectifier des assertions qui ont du mal à passer et qui indisposent au plus haut point nos vétérans du festival , je m'autoriserai à te porter sur ce point la contraction , sans intention aucune d'entrer dans une polémique stérile , qui ne peut que nous donner encore une fois en spectacle , devant une galerie qui en rajoute et qui se frotte déjà les mains , ravie d'une telle autodestruction .
Ayant la chance de n'appartenir à aucune chapelle et d'avoir vécu , ,alors jeune adolescent , l'ambiance du festival dans ses premiers balbutiements , et m'étant abreuvé à la bonne source , j'apporte ici sereinement et sans préjugé aucun , une opinion, que je pense la plus plausible , sur une histoire de théâtre qui semble ,hélas, ne pas avoir trouvé toute sa sérénité,puisqu'elle suscite encore des questionnements, remises en cause et autres périlleuses embardées .
Benabdelhlim Mostefa dit « si Djillali » ( 1920-1990)qui activait dans l'« animation théâtrale »depuis son jeune âge , aussi bien au fawdjEl Falah ; dans le théâtre scolaire à l'« Educatrice » qui activait sous l'égide du PPA-MTLD ; Essaïdia ;Arts et Théâtre ;que dans la troupe Badr qu'il créera en 1948, et qui s'était même inscrit , avec ses propres deniers ,à une formation d'art dramatique à Marly-Le-Roi , était connu pour son extrême réserve et son sens de la dignité. Tous ce qui l'avaient côtoyé diront de lui ,qu'il n'était pas homme à courir dernière une présidence , comme il n'a jamais eu cette vanité d'être catalogué « dramaturge » -et qu'il n'était pas a fortiori -quoiqu'il ait « commis » , d'après son ami BensaidMekki , quelques sketchs et saynètes (dont le dentiste atomique ; moudjrimouneem la ( jouée à la salle Aletti en 1949, lors du 1er concours d' Afrique du Nord de l'art dramatique en langue arabe ) et ziouadjberrida(jouée à l'opéra d'Alger en 1950 où elle obtint le 1er prix du festival du théâtre amateur ), représentations que je ne saurais , pour ma part ,caser dans la rubrique des parodies , c'est-à-dire selon ton appréciation , dans un bas de gamme théâtreux et insignifiant.
Mais la parodie –qui était fort prisée par le public de Allalou , Bachtarzi, Ksentini et Touri, n'est –elle pas aussi création ? N'était-ce pas cette même parodie qui réveillera des consciences avachies par l'assujettissement colonial ?Et comme pour mieux expulser le monsieur hors de la scène , tu écris sentencieusement : « contribuer à fonder un festival n'est pas homme de théâtre » .Mais Si Djillali a-t-il jamais eu cette prétention ?Car ce qui importait à ce monsieur ,n'était pas qu'il soit reconnu « homme de théâtre »-dénomination o combien galvaudée-mais plutôt comme un « combattant du théâtre » ,comme aimait à désigner Kaki , ses comédiens du MesrahEl Garagouz .
Cette façon de dégommer une personnalité du théâtre -et reconnue comme telle- ne sert aucunement une histoire de théâtre que nous voudrions écrire d'une façon apaisée et loin des soubresauts comitiaux qui font beaucoup de tort à une ville que nous chérissons à travers ses artistes , ses repères et ses symboles .
Bien sûr et je te le concède : DjillaliBenabdelhlim , poissonnier , puis chef cantonnier ayant peu fréquenté l'école , enfant pauvre de Tijditt , mais féru de ... théâtre , n'avait pas la « carrure » d'un Ould Abderrahmane Kaki ni de celle d'un Benaissa Abdelkader , ni peut-être aussi la persuasion d'un Ghali Boudraf.Mais cela justifie-t-il sa proscription de la mouvance théâtrale mostaganémoise , dont il était , quoiqu'on dise , l'élément moteur , avec une pichenette aussi rageuse qui n'ébranlera toutefois jamais un colosse , mais qui fera juste quelques petits ricochets avant de sombrer.
Revenons à la sagesse de nos ainés et prenons en de la graine .En son temps , Kaki que tu cites à profusion dans ton texte , a toujours eu un respect sans borne vis-à-vis de Si Djillali , lequel était quelque part–et il ne s'empêchait pas de l'avouer - son mentor . Souvenons nous que la toute première pièce du jeune Kaki ( MnèmeSoltaneSoleymane ) sortie tout droit des contes de la grand-mère Khrofa,fut jouée , selon BensaidMekki,au CINELUX, sous l'œil débonnaire mais particulièrement vigilant de Benabdelhlim.N'est-ce pas là un gage de déférence et de reconnaissance d'un génial élève à un aîné qu'il considérait , avec l'humilité qui sied aux grands , comme étant son maître ?
Alors le nom de Djillali Benabdelhlim au fronton du « nouveau théâtre » est-il à ce point inapproprié voire exaspérant pour certains ?
Kaki , dans sa générosité qui le caractérisait si bien , n'aurait trouvé sans doute ,rien à redire , concernant un ami qu'il plaçait sur un piédestal .C'était quand l'amitié et le respect avaient un sens. En ce temps là , tout se faisait alors avec Art et Elégance .Même les critiques. Mais les temps semblent avoir beaucoup changés.
Que l'on considère à leur juste mesure ces dénominations et que cessent toutes ces dissensions qui ne feront que nourrir des rancoeurs et des rancunes dans le landerneau du théâtre mostaganémois .Deux enfants du pays , l'un au théâtre et l'autre à la maison de la culture , quelle fierté pour notre ville et quel bel hommage à son théâtre !Le nom de Ould Abderrahmane Kaki , au fronton de la maison de la culture , où est l'outrage ? Homme de grande culture (dramaturge , nouvelliste , cinéphile , friand de contes et légendes , amateur de lecture , de musique chaabi , de bédoui ...), ce grand monsieur aurait sans doute apprécier d'illuminer ce pôle culturel , où son nom est cité à longueur d'année par l'entremise de foisonnants programmes culturels .D'ailleurs , c'est sous l'aile protectrice de la maison de la culture Ould Abderrahmane Kaki, que le théâtre amateur a trouvé refuge pour continuer sa formidable épopée .Cela devrait nous réjouir , nous les mostaganémois , plutôt que de chercher à attiser des débats éculés qui n'ont plus lieu d' être.Telle est ma conviction.
Au passage , j'espère seulement que le nom d'un autre géant de la culture , Benaissa Abdelkader ,l'animateur d' Es-Saïdia , dramaturge , pédagogue , écrivain et historien,ne soit pas oublié , et que son nom soit donné à une institution culturelle ( Institut de musique , bibliothèque ...).
Dans un tout autre chapitre , j'ai par contre beaucoup apprécié - et c'est tout à ton honneur- l'hommage que tu rends à Benmokaddem Abdelkader .
Comédien génial et acteur sublime , Benmokaddem aura réussi à fournir sur les tréteaux de notre grand pays , des prestations scéniques qui sont la quintessence de tout ce que pouvait produire un comédien d'un tel gabarit .A travers la présentation , tu sembles faire une proposition assez singulière : Que l'on baptise le nouveau « théâtre » à son nom , pour mieux jeter aux oubliettes Benabdelhlim, que tu considères tout juste comme un intrus .
Je trouve l'idée aussi généreuse que saugrenue .Débaptiser un théâtre ? Susciter un duel posthume entre deux figures embl ématiques de Mostaganem ? Je ne sais pas ce qu'en penserait Belmokaddem , s'il était de ce monde .Avec sa sagesse , son honnêteté et sa modestie proverbiale , aurait-il eu l'indécence de supplanter celui qui lui aura fourni les premiers rudiments de la scène , alors qu'il était louveteau au Fawdj en Falah ? Cette proposition pour étrange qu'elle soit, nous ne la retrouvons nullement dans les annales du théâtre algérien ,car à ma connaissance , seuls les comédiens –metteurs en scène ont eu l'insigne honneur de voir leurs noms attribués à des théâtres . Il en est ainsi de Azeddine Medjoubi (dont le théâtre régional de Annaba porte le nom ) et de Osmane fethi (dont le petit théâtre El Moudja portait le nom ).Le regretté comédien Sirat Boumedienne , monstre sacré des planches qui aura porté aux nues ,les œuvres du dramaturge Abdelkader Alloula ,pourra-t-il prétendre un jour à ce même honneur , sans qu'il ait monté une seule pièce ? Je ne le pense pas.Seul un mythe pourra accéder néanmoins à ce privilège .Gérard Philippe, pourrait être cité en exemple .
Puisque Mostaganem est par excellence la ville du théâtre , pourquoi ne pas donner le nom de Benmokaddem Abdelkader à une troupe de théâtre ?Ou à une école de théâtre ?Ou à un diplôme qui récompensera le plus jeune espoir du festival ?Ou à une Fondation qui proposera aux élèves du cycle primaire , des stages d'initiation d'art dramatique pendant les vacances scolaires ?... Alors , à vous de jouer , si vous voulez perpétuer la mémoire de cet immense comédien mostaganémois !

Un dernier mot .Mostaganem ne peut qu'être fière d'avoir donner naissance à de grands hommes de théâtre , auxquels nous devons , sans exception , respect et considération , non seulement parce qu'ils ont fait de Mostaganem , la cité du théâtre , mais parce qu'ils ont enrichi le théâtre national par de nouvelles prestations scéniques ainsi que par une mise en espace et une thématique novatrices , grâce notamment au « phénomène du théâtre » qu'était Kaki .
Un grand merci aux dramaturges , metteurs en scène , comédiens , animateurs , pédagogues , directeur s de troupes ...à tous ceux qui perpétuent la dynamique d'un festival et qui chaque année , nous font rappeler les sacrifices de Djillali Benabdelhlim , de Ould Abderahmane Kaki , de Benaissa Abdelkader ...Il est de notre devoir d'honorer leurs mémoires et d'épargner aux jeunes générations , des états d'âme qui n'apportent rien à une histoire dont les contours sont connus ,et qui escamotent même la raison d'être d'une prodigieuse épopée .
Attelons nous plutôt à transmettre le flambeau aux jeunes amateurs , qui transcenderons tous les malentendus et qui , par leur fraîcheur et leur innocence , siffleront une déplorable et bien piteuse « fin de partie » . Ici sera clos le débat . Bien Amicalement.


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