es conclusions, chiffres à l'appui, livrées par une enquête menée en 2007 et 2008 par les services de la direction de la santé et la population(DSP) de Sétif font peur. En effet, ce qui est devenu un problème de santé publique dans de nombreuses contrées, serait « relativement récent » en Algérie, pays non producteur, mais qui se retrouve lieu privilégié pour le transit et la consommation de drogues. Cet état de choses serait en train de changer, au vu de la découverte faite par les services de sécurité, durant les dernières années, de nombreuses plantations de cannabis à travers le pays. Cette augmentation constante de la culture et de la consommation de ces produits fait, selon l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT), de l'Algérie un pays confronté à un danger imminent. Comme le dit si bien Claude Olievenstein, « psychiatre des toxicomanes » : « La toxicomanie est la rencontre d'une personnalité, d'un produit et d'un moment socio-culturel ». Le produit, ou drogue, est caractérisé par la quantité, le dosage, son mode d'absorption ou d'administration, la durée, la fréquence ou le rythme de consommation ainsi que la qualité et les interactions des substances ; l'individu dépendant se distingue par les facteurs biologiques et physiques, ainsi que par le contexte et la conjoncture relative aux facteurs culturels et contextuels de l'environnement (accessibilité, degré du stress subi). La somme de ces ingrédients n'est autre que la toxicomanie : désir invincible de consommer, d'augmenter les doses pour un même effet, ensuite dépendance psychologique et physique à la substance avec les effets nuisibles découlant de cet amalgame que sont l'accoutumance et le syndrome du manque. Le toxicomane nécessite donc une prise en charge sérieuse et pluridisciplinaire, ayant une portée médicale, psychologique et sociale. Soigner, c'est bien sûr agir sur le comportement d'usage et définir le degré de dépendance, ainsi que sur les problèmes de santé, à l'effet d'aider le sujet à retrouver sa liberté, avec la volonté de s'abstenir, en plus de la capacité de penser, de vivre ses émotions et de s'assumer plus efficacement. Présent à Sétif depuis 2004, le centre intermédiaire de soins pour toxicomanes (CIST) a pour mission d'accueillir les toxicomanes et d'être à leur écoute. En outre, ce centre assure la prise en charge médicale, sociale, psychologique et psychiatrique de ces derniers, aidé en cela par les centres intermédiaires de santé mentale, au niveau des EPH et autres EPSP. Un médecin généraliste, un psychologue, un psychiatre, une assistante sociale, un infirmier et un agent de sécurité sont le personnel de ce centre, qui, bien qu'en activité depuis 2004, n'aura de siège officiellement livré qu'en mars 2009. En 2004, l'équipe pluridisciplinaire avait recensé 61 cas de toxicomanie, contre 144 en 2005, 88 en 2006 et 244 malades recensés au 31 décembre 2007. Cela fait, selon l'enquête de la DSP de Sétif, 537 cas découverts en quatre ans (dont 96,4% de sexe masculin et 3,53 % de sexe féminin). Quatre-vingt parmi ces toxicomanes avérés ont participé à une cure de désintoxication en milieu fermé à Blida, alors que 15 d'entre eux ont disparu de la circulation. Entre le 1er janvier et le 30 septembre 2008, le CIST a pu enregistrer 55 nouveaux cas dans la capitale des Hauts-Plateaux. Ces toxicomanes sont jeunes, (âgés entre 21 et 30 ans), de sexe masculin pour la plupart ; ils ont touché à la drogue pour la première fois entre 12 et 16 ans pour les garçons, et 19 et 25 ans pour les filles ; polytoxicomanes, ils n'ont pas d'activité stable, sont sans niveau d'instruction, et ont déjà fumé du tabac, consommé de la drogue, notamment du cannabis ; certains d'entre eux ont « sniffé » du diluant, et ont eu des démêlés juridiques. La presque totalité de ces toxicomanes imputent leur état aux problèmes socio-familiaux. C'est le portrait-robot du toxicomane, produit par l'enquête effectuée par les services de la DSP de Sétif. La conclusion en est que « la toxicomanie est un problème de santé publique qui risque de s'aggraver dans les années à venir. Cependant la prise de conscience collective du problème par les populations et l'implication de la société civile soutenant les actions des pouvoirs publics sont les seuls garants d'une réelle efficacité ». Un travail de longue haleine d'éducation et de sensibilisation en direction des franges vulnérables de la société et la mise à disposition d'une activité durable sont peut-être le meilleur moyen de préserver nos jeunes de ce fléau.