Les services de la présidence de la République ont récupéré tous les dossiers liés à l'affaire des faux moudjahiddin auprès de l'ancien officier de l'ALN, Mustapha Bougouba, avons-nous appris hier de source proche du dossier. Ainsi, après plusieurs années de polémiques et de sourde oreille des autorités judiciaires, c'est la magistrature suprême qui prend en charge cette affaire qui a éclaboussé de nombreuses personnalités du sérail sans que justice soit faite. Cet ex-responsable de l'Organisation nationale des moudjahiddin de la wilaya de Tipaza, qui vient de publier un livre sur la question, a donc remis un dossier complet sur les faux moudjahiddine aux services de sécurité de la présidence. Ce qui sous-entend que le président de la République est déterminé à donner un coup de pied dans la fourmilière en faisant la lumière sur cette affaire qui a écorché la crédibilité des institutions. Mustapha Bougouba a fait exploser l'affaire publiquement en 2002 à l'occasion d'une conférence de presse durant laquelle il avait dénoncé le trafic des attestations de moudjahid au niveau de la circonscription de Tipaza. Pendant près de deux ans, il aura écumé toutes les rédactions et toutes les institutions pour tenter de rallier le maximum de responsables à sa lutte de débusquer le réseau des faussaires. De guerre lasse et voyant que ses dénonciations sont restées lettres mortes, l'ancien officier de l'ALN puis de l'ANP a décidé de raconter son «affaire». Dans un livre sorti en avril dernier en France, intitulé «Du capitaine Lamoricière à la République bananière», l'auteur apporte son témoignage sur le phénomène des faux moudjahiddin qui «remontent au temps de la colonisation» d'après lui. «Ce point est très important, car le mensonge n'est pas rare, dans le but principal de toucher de l'Etat une pension indue, en qualité de faux moudjahid». Et il n'est pas toujours aisé de démêler le vrai du faux des années plus tard. Concluant: «Je pointe du doigt les coupables du désordre qui règne en Algérie et je suggère quelques solutions pour sortir du marasme actuel», écrit-il dans son livre-témoignage. Le fait que Bougouba soit allé jusqu'à publier un livre semble avoir édifié les autorités que cet homme est sincère dans sa démarche. La présidence pourrait donc mener sa propre enquête sur la base des précieux documents remis par Mustapha Bougouba. L'auteur relate dans son livre les événements tels qu'il les a vécus ou observés et tirent des conclusions qui peuvent choquer par endroits. La publication de «Du capitaine Lamoricière à la République bananière» s'apparente à un solde tous compte avec des hommes qui ont terni l'image de la glorieuse révolution par un trafic éhontée. C'est aussi un dernier acte d'un homme qui n'a pas trouvé une oreille attentive pour crier sa colère. «C'est un livre où je fais remonter l'existence de ce phénomène de faux statut jusqu'au début de l'occupation française» a-t-il expliqué. A 70 ans Mustapha Bougouba ne veut pas passer sous silence plus d'un «million d'attestations de faux moudjahid». Et si la Présidence diligente une enquête sur cette affaire, il est certain que des têtes vont tomber. Ce développement pourrait relancer aussi l'autre scandaleux dossier des magistrats faussaires pour lequel Benyoucef Mellouk a passé près de 15 ans de sa vie à dénoncer depuis 1992. Sauf que dans le cas de Mellouk, les autorités se sont acharnées sur lui en brisant sa carrière au niveau de la chancellerie et le privant même de son passeport à un certain moment. Benyoucef Mellouk a, faut-il le rappeler, révélé l'existence d'une liste de 320 personnes haut placées pour la plupart qui auraient d'après lui orchestré cet acharnement. Il est à se demander si cet intérêt soudain de la présidence ne procède pas de cette volonté d'attaquer de front un scandale qui a trop duré.