Es Sarie, Grossi-vite, Mfataa, Méga-mass… sont autant de produits en vente, s'écoulant comme des petits pains et sans l'ombre d'une difficulté par ces vendeurs ambulants sub-sahariens et consommés essentiellement par la gent féminine algérienne qui éprouve le besoin incessant de prendre du poids, contrairement aux Européennes qui, elles, souhaitent en perdre. Alors que les magasins européens prônent les mille et une recettes d'accéder à la minceur, les filles d'ici souhaitent donc au contraire prendre des kilos. La tendance est ainsi au poids lourd et aux kilos en trop. Le phénomène n'est pas nouveau. Mais force est de constater que cela s'est accentué avec l'arrivée de ces produits qui font rage à Médina Jdida, à Oran, auprès des jeunes filles qui littéralement se les arrachent. Au delà d'une tendance, le phénomène devient carrément une obsession pour certaines qui se trouvent maigres, indésirables et usent de moyens jugés par les médecins comme extrêmement nocifs pour la santé, vu leurs composants chimiques. C'est le cas de cette jeune femme qui dit: «J'ai 29 ans, je pèse 47 kilos pour 1,68m. C'est rare que je me fasse draguer dans la rue. Je crois que c'est du à ma morphologie qui n'attire pas les hommes. Pas la peine de vous dire que j'en souffre énormément. C'est pour cela que je veux prendre quelques kilos en plus.» Nous nous sommes intéressés de plus près à l'un de ces produits, dit Es-Sarie qui semble particulièrement répondre aux préoccupations des jeunes adolescentes en quête de poids. Saliha H., jeune étudiante de 22 ans a eu à faire l'expérience. Elle a été une consommatrice de ce produit dit miracle. Elle raconte: «Je me trouvais maigre, complexée et ne m'assumais guère en société. Tout s'assombrissait devant moi jusqu'à ce qu'on m'a indiqué Es-Sarie. Cela m'a changée, mais j'ai dû en payer le pris fort…» Selon ses copines, Saliha est passée en trois semaines de 45 à 60 kilos. Mais il y a évidemment le revers du décor. Très vite, elle commençait à avoir de fortes migraines, sa pression artérielle baissait et accentuait ses douleurs rénales et avait complètement perdu le sommeil… Qu'en pensent les médecins? Un médecin, qui exerce à l'hôpital d'Oran, confirme que ce produit et les autres cités sont nocifs et peuvent engendrer de graves maladies, telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires pouvant entraîner la mort. Il ajoute que ce «médicament» se vend au marché noir, soulignant qu'il n'est pas déclaré au niveau du ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière, sinon des mesures auraient été prises, il y a bien longtemps. Une psychologue, T. Belarbi, explique le phénomène: «Depuis la nuit des temps, le canon de la beauté arabe est au teint blanc et aux rondeurs. C'est ancré dans l'esprit de chaque individu et est représenté jusqu'au jour d'aujourd'hui comme critère de beauté féminine. Cet idéal féminin conduit certaines filles à se considérer comme des victimes de la dure loi de la nature et de la société en général et les amènent à vouloir changer sans cesse de corpulence. Pour elles, plus de kilos égale plus d'assurance et éventuellement la possibilité de se trouver un mari.» Il faut dire que ce phénomène reflète particulièrement notre mentalité car, tout le monde le sait, dans le monde arabe, on préfère les grosses et l'obésité féminine a toujours été considérée comme modèle de beauté, «Et ce serait manquer d'honnêteté de nier que la majorité des Algériens, en particulier, et des Arabes en général, préfèrent les femmes pulpeuses», dit Amel, un peu déçue. «Pour la majorité des hommes, explique-t-elle, une femme bien en chair est l'épouse idéale, voire en bonne santé, mieux considérée et plus désirable.» Les filles le pensent, y croient fort, ce qui a facilité la commercialisation de tels produits. Drôle de monde!